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Témoignages

L’activisme en ligne des Gen Z et millénariaux avec Juliette Bélanger-Charpentier

Depuis l’adolescence, je corresponds parfaitement au cliché de la génération Z : j’ai plus souvent qu’autrement les yeux rivés sur un écran. Pourtant, ce qui semble être un passe-temps superficiel et abrutissant est tout le contraire. En effet, depuis l’âge de 14 ans, c’est sur des plateformes comme Tumblr, Twitter, Instagram et désormais TikTok que je fais mon éducation citoyenne.

Alors, plus activistes sur les réseaux sociaux, les jeunes? Je discute avec Juliette Bélanger-Charpentier de militantisme à l'ère des réseaux sociaux.

De plus en plus, ma génération se tourne vers les ressources en ligne pour s’informer et partager de l’information sur toutes sortes de sujets, notamment ceux qui ont trait aux causes de justice sociale. J’ai voulu m’entretenir à ce propos avec la créatrice de contenu et étudiante en victimologie et criminologie Juliette Bélanger-Charpentier qui s’est démarqué les derniers mois.

Tout comme moi, Juliette a grandi avec un cellulaire comme extension naturelle de son bras. Publiant avant tout des photos de son quotidien, son contenu s’est transformé lors de la vague de dénonciations [d’agressions sexuelles] de l’an dernier, qui a eu lieu surtout sur Instagram.

C’est à ce moment-là que l’étudiante en victimologie a senti que son champ d’expertise pouvait aider le commun des mortels à démêler la complexité du mouvement. Depuis, ses publications sous forme de carrousels sont partagées régulièrement par ses 52K abonnés, et elle sent qu’on accorde une certaine importance à sa voix.

Juliette Bélanger-Charpentier
Alice Morel-Michaud milite sur les réseaux sociaux

Dès le début de ma conversation avec Juliette, j’ai compris qu’on partageait une grande similarité : nous sommes toutes les deux des personnes fondamentalement vocales à propos des sujets qui nous tiennent à cœur.

Lorsqu’on me demande pourquoi je partage du contenu militant sur mes plateformes, je réponds souvent que je le ferais même si je n’avais que dix abonnés. Pour moi, c’est naturel de m’indigner publiquement. Je le fais déjà dans mes interactions sociales dans la vie de tous les jours, alors c’est logique de poursuivre ce militantisme sur mes réseaux sociaux. Par contre, il va sans dire qu’avoir des milliers d’abonnés, ça ajoute une certaine pression.

À lire aussi : Pourquoi dénoncer sur les réseaux sociaux plutôt qu'à la police?

La parfaite activiste, existe-t-elle?

Juliette et moi vivons avec un trouble d’anxiété lié à la performance, ce qui complexifie la chose : comment savoir si la pression d’être la parfaite activiste vient de notre tête ou réellement des internautes? C’est sans doute un peu des deux, mais nous avons chacune la confirmation que certaines personnes nous font sentir coupables de ne pas s’exprimer sur tous les sujets, tout le temps.  

« J’ai l’impression que les gens font le raccourci que si tu as certaines causes à cœur, tu as toutes les informations, la disponibilité et l’énergie pour parler, éduquer, déplorer, donner ton opinion sur tous les sujets, mais c’est pas possible. Pour moi, ça ouvre la porte à la performativité », avance Juliette. 

Je suis rassurée de savoir qu’elle partage mon sentiment, puisque ça me cause régulièrement de la frustration. J’ai, en effet, l’impression que mes abonnés ne réalisent pas toujours le temps que ça peut prendre de se faire une idée claire avant de prendre la parole publiquement. Quand tu as une large plateforme, tu ne veux surtout pas blesser ou bien que tes propos soient mal interprétés. De plus, pour quelqu’un comme Juliette, qui fait plusieurs publications par jour, il faut agir rapidement pour suivre le rythme du cycle de nouvelles.

L’activisme à l’ère des fake news

Par-dessus tout, s'ajoute le défi de ne pas participer à la désinformation. Étant donné que mon activisme en ligne se fait surtout par le repartage de contenu militant, je m’assure de m’informer sur l’auteur ou l’autrice de la publication en question, en plus de faire mes propres recherches au préavis. 

Juliette, qui est l’autrice du contenu présent sur sa page Instagram, prend cette responsabilité très à cœur. C’est pourquoi, lorsqu’elle produit du contenu contenant des faits ou des statistiques, on peut retrouver ses références dans la description de ses publications. Ce qui rend son contenu autant pertinent, selon moi, c’est qu’elle partage des faits, et ensuite donne son opinion par rapport à la situation.

« J’essaye de faire en sorte que ma publication ouvre une porte, et que la personne ensuite prenne le chemin qu’elle veut », explique-t-elle. Très consciente que son contenu est donc teinté de son opinion, elle déconseille souvent à des élèves d’utiliser ses « slides » dans leurs travaux, les référant plutôt à des articles scientifiques.

L'activisme à l'ère des réseaux sociaux

Pour mon plus grand bonheur, les partages de points de vues militants m’ont trouvé sans que je les cherche, et ont grandement contribué à l’activiste que je suis aujourd’hui.

Les jeunes de la génération Z : plus militants que jamais?

Justement, j’étais intéressée de l’entendre sur le fait qu’une grande partie de ses abonnés, tout comme moi, sont issus de la génération Z. Ces jeunes, nés après l’an 2000, occupent une place importante dans les espaces militants en ligne. Si je me fie à mes abonnés, je remarque qu’ils sont curieux, opiniâtres et remettent constamment en question la société dans laquelle ils et elles grandissent. 

Même si j’aime dire haut et fort que je suis une 90s baby, je m’identifie beaucoup à cette génération qui semble parfois en apprendre plus sur Internet que sur les bancs d’école. 

À ce sujet, Juliette partage le sentiment que j’ai qu’il y a quelque chose de profondément différent avec les Gen Z. «  Je ressens un besoin de comprendre les choses beaucoup plus viscéral. Les réseaux sociaux sont peut-être un véhicule de transmission de ce désir-là d’être actif et ouvert ».

Elle avance même la théorie que le fait de partager cet engagement social en ligne rend simplement ce mouvement plus visible, et expliquerait donc notre impression que cette génération est particulièrement impliquée dans les causes de justice sociale : « Si la validation et les partages peuvent permettre d’encourager ça, tant mieux! ».

Je trouve la théorie de Juliette fascinante, puisque j’ai toujours eu l’impression que c’était le contraire. Si je me base sur ma propre expérience, mes premiers pas en tant qu’activiste se sont fait car j’ai été exposée, malgré moi, à des publications dénonciatrices sur Tumblr et Twitter. Pour mon plus grand bonheur, les partages de points de vues militants m’ont trouvé sans que je les cherche, et ont grandement contribué à l’activiste que je suis aujourd’hui.

Je pense que ma discussion avec Juliette a éclairé le parcours activiste sur les réseaux sociaux de notre génération : c’est sur les réseaux sociaux qu’on s’éduque en partie, puis c’est aussi là qu’on vit notre militantisme. C’est tout à fait représentatif de notre réalité et du pouvoir que ces plateformes peuvent avoir.

À lire aussi : Les filtres Instagram sont-ils dangereux?

La vie hors des réseaux sociaux

Par contre, il y a un danger à ce que cet activisme en ligne ne se transpose pas dans la « vraie » vie. Est-ce que le fait de partager certaines publications à saveur militantes a l’effet de déresponsabiliser les jeunes quant à leur implication quotidienne?

On a eu un très bon exemple de ce danger lors du partage des carrés noirs sur Instagram avec le mouvement « Black out Tuesday ». Plusieurs activistes ont critiqué le fait que ce geste donnait l’impression aux personnes blanches de lutter activement contre le racisme, mais que cette même énergie ne se transposait pas dans leurs interactions quotidiennes. Plusieurs appellent ça de « l’activisme de performance ».

Il est dorénavant encore plus clair pour moi que le travail de quelqu’un comme Juliette Bélanger-Charpentier est essentiel. Je souhaite sincèrement que les jeunes de ma génération s’informent, s’indignent, s’expriment, et militent… autant en ligne qu’hors ligne! Et si jamais tu es un(e) boomer et que tu tombes par hasard sur les publications de Juliette ou mes stories ; tu es le ou la bienvenue dans notre gang d’accros à nos téléphones! Tu peux chiller avec nous, tu vas peut-être même apprendre des affaires entre deux partages de memes...

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