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Témoignages

Un petit pas pour l’humanité, un gros coup de pub régressif pour la condition féminine

Le tourisme spatial! Quelle brillante idée! Après avoir joyeusement mis la planète Terre à genoux à coups de SUV, de vols low-cost et de plastique à usage unique, voilà qu’une poignée de milliardaires illuminés ont décidé qu’il était temps d’aller jouer aux astronautes… pour le fun.

Parce qu’apparemment, observer la Terre brûler depuis l’espace, quand en plus notre vol y contribue, c’est là où nous en sommes arrivé.e.s, mesdames et messieurs.

Ces voyages cosmiques ne sont rien d’autre qu’un caprice d’ultra-riches en mal de sensations fortes et de likes Instagram.

Le commun des mortels se bat pour boucler ses fins de mois, pendant que Jeff (ou Elon ou Richard), ou en l’occurrence ici sa fiancée, s’envoient en l’air à 100 km au-delà de la surface de la Terre avec ses chums de filles, le sourire béat et la conscience écologique bien rangée sous le siège, dans un bel exercice de pinkwashing.

Mais au-delà du grotesque spectacle de ces milliardaires ou multimillionnaires en apesanteur, il y a la petite question des émissions de CO₂. Vous savez, cette broutille dont on parle parfois entre deux vagues de canicule. Un seul vol suborbital peut générer plusieurs centaines de tonnes de CO₂.

Bref, le tourisme spatial est l’emblème parfait de notre époque: inutile, polluant, élitiste et parfaitement déconnecté de toute logique de survie collective.

À titre de comparaison, une recherche rapide me confirme qu’un citoyen québécois moyen émet annuellement environ 10 tonnes de CO₂… (un Canadien, 18 et la moyenne mondiale est plus près de 5, eh oui, il faut bien chauffer l’hiver).

Donc un petit aller-retour dans l’espace pour un touriste fortuné, c’est comme si ce dernier décidait d’exploser le quota carbone annuel de 50 personnes en 10 minutes. Jolie performance!

Ajoutons à cela l’impact sur la couche d’ozone, la production de déchets spatiaux (parce que même dans le vide, on continue de salir), et le coût énergétique faramineux de ces escapades interstellaires.

Ah, et on a failli oublier le symbole même de l’indécence: pendant que des millions de gens manquent d’eau potable ou de soins, d’autres s’offrent 10 minutes de flottement cosmique pour le prix d’un hôpital Maisonneuve-Rosemont...

Bref, le tourisme spatial est l’emblème parfait de notre époque: inutile, polluant, élitiste et parfaitement déconnecté de toute logique de survie collective.

Une époque où l’on confond progrès et caprice, où quelques ultra-riches s’amusent pendant que la planète crame, et où l’on ose appeler «aventure humaine» ce qui n’est qu’un gigantesque doigt d’honneur lancé depuis l’espace… mais pour l'« avancement des femmes » bien sûr.

«Si un vol spatial exclusivement féminin était affrété, disons, par la NASA, cela pourrait représenter l’aboutissement de plusieurs décennies d’investissements sérieux en appui aux astronautes féminines. (En 2019, la NASA a dû annuler avec embarras une sortie extravéhiculaire entièrement féminine après s’être rendu compte qu’elle ne disposait pas d’un nombre suffisant de combinaisons à leur taille.) Un vol spatial exclusivement féminin de Blue Origin ne signifie qu’une chose: plusieurs femmes ont accumulé suffisamment de capital social pour être amies avec Lauren Sánchez», comme le disait Amanda Hess dans le New York Times.

Et ces jours-ci, rappelons-le, on licencie des femmes travaillant à la NASA et on retire leur biographie officielle du site Web.

Mais plus question de manquer de combinaisons féminines… Lauren Sanchez s’en est occupée! Elle a fait appel au duo de designers de mode derrière la marque Monse (qui avait aussi créé sa tenue pour le MET Gala). Le résultat: un hybride entre une combinaison de motocross et les combipantalons Viva Las Vegas d’Elvis Presley qui remet le «ass» dans astronautes! C’est Katy Perry qui l’a dit!

Parlant de fesses, je me suis longuement demandé ce que faisait la famille Kardashian sur le site du décollage, puis j’ai appris que Mme Sanchez portait des sous-vêtements SKIMS sous son look interstellaire!

Pourquoi je vous parle de mode? Parce qu’une campagne pub qui a comme objectif de rendre le tourisme spatial accessible «pour tous» (c’est ce que la productrice Kerrianne Flynn a partagé en pleurant à la sortie de la capsule) – incluant les grandes oubliées de l’espace – doit aussi passer par le vêtement… parce que les femmes, c’est bien connu, on aime ça la guénille!