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Sexualité

Racisme sexuel : quand l'intimité est synonyme de discriminations

Le racisme sexuel, c’est quoi? Pourquoi est-ce ça existe et comment cultiver des comportements sains dans son intimité? En tant que sexologue, voici quelques explications.

De plus en plus de voix s’élèvent, et notamment des voix de femmes de tous les horizons, pour dénoncer le racisme sexuel, un sujet d’actualité plus important que jamais. Ce qui était toléré autrefois pour être des « préférences » envers une couleur de peau ou un trait particulier relié à une ethnicité est aujourd’hui vivement pointé du doigt comme étant une discrimination grave

Dans ce texte, je vais tenter de vulgariser ce concept. Je préfère vous avertir, je parle de sujets difficiles à lire comme celui des agressions sexuelles.

En espérant que cela fasse de vous un.e meilleur.e allié.e pour les personnes BIPOC [Black, Indigenous, person of color = Noir.es, Autochtones, personnes de couleur]!

Le racisme sexuel en théorie

Lorsqu’on parle de racisme sexuel, on associe les expériences discriminatoires que les personnes de couleur vivent à la sphère intime de leur sexualité

Afin de démystifier cette définition, certain.e.s auteur.es se réfèrent à trois formes de racisme sexuel. Les voici:

  • le rejet sexuel sur la base de la couleur de peau.
  • le fétichisme sur la base de la couleur de peau.
  • les stéréotypes ethnosexuels.
Une femme asiatique qui vit du racisme sexuel

Dans la première forme de racisme sexuel, le rejet, on parle de l’aversion ou l’exclusion de certains individus d’une couleur de peau dans la sphère relationnelle ou sexuelle. Par exemple : votre ami vous dit qu’il trouve les femmes asiatiques trop minces et trop fragiles et qu’il aurait de la difficulté à avoir une érection devant leur « corps d’enfant ». Ce n’est pas un choix personnel, c’est du racisme sexuel.

Dans la deuxième forme, le fétichisme, il est question d’exprimer une préférence claire et explicite pour les individus d’une certaine ethnicité. Pour illustrer : votre connaissance vient tout juste de commencer une relation avec un homme afro-descendant. Elle vous dit qu’elle a toujours voulu être avec un homme noir, qu’elle a hâte de voir s’il possède un gros pénis et s’il est « brutal » au lit. Ce n’est pas une simple préférence, c’est du racisme sexuel.

Dans la dernière forme, les stéréotypes ethnosexuels, on inclut toutes les croyances et les attentes quant aux attributs et la teneur que la relation sexuelle aura. C'est la sexualision d'une personne à travers sa couleur de peau. Si on se fie au mouvement #StopAsianHate, les personnes asiatiques, et notamment les femmes, déplorent vivre une hypersexualisation nocive, voire meurtrière dans certains cas. Encore une fois, hypersexualiser les femmes asiatiques, ce n’est pas une simple préférence, c’est du fétichisme et donc du racisme sexuel.

Le racisme sexuel dans l’histoire

Pourquoi ces trois comportements sont-ils considérés comme étant racistes? Parce qu’ils découlent des rapports de domination des personnes blanches sur les personnes de couleur. Ils découlent directement de la colonisation. 

En fait, j’aimerais vous dire que le racisme traditionnel, souvent associé à l’esclavagisme et la ségrégation, s’est simplement transformé en d’autres formes de racismes qui continuent de marquer notre conception du monde.

Les disparités raciales sont systémiques, elles existent dans le travail, l’économie, l’éducation, la criminalité, etc. C’est donc sans surprise que la sphère sexuelle n’est pas épargnée non plus.

L’héritage colonial influence encore aujourd’hui négativement nos relations intimes.

Il faut garder en mémoire que durant plusieurs siècles, les femmes noires étaient agressées continuellement par les hommes blancs pour leur plaisir. La violence sexuelle vécue par ces femmes avait aussi pour but de brimer toute volonté à résister, les rendre soumises et dociles, tout comme l’objectivation passive à travers laquelle la femme est majoritairement soumise dans la pornographie.

C’est pour cela que certaines autrices du Black Feminism lient leur maltraitance à plusieurs dimensions de la pornographie.

Une femme noire

C’est un parallèle pertinent à garder en tête : les femmes dans la pornographie contemporaine sont souvent vues comme étant des morceaux de viande, un animal à conquérir. Cette représentation des femmes objectivées, contrôlées et dominées découlerait de la façon dont les femmes noires ont été traitées. 

Je suis moins experte en ce qui concerne les nombreux autres volets historiques de la colonisation, mais si on hypersexualise les femmes asiatiques et qu’on continue de faire circuler toutes sortes de stéréotypes à propos de certaines cultures et nationalités, c’est souvent l’Histoire et les rapports de domination qui nous l’explique!

Bref, vous l’aurez compris, l’héritage colonial influence encore aujourd’hui négativement nos relations intimes. 

Deux femmes s'enlacent sensuellement

La pornographie, vecteur de biais racistes

La pornographie moderne prendrait donc racine dans le racisme et le sexisme vécus autrefois par des femmes dont la voix a été réduite au silence. 

Dans la pornographie hétérosexuelle, les actes de violence interraciaux sont les plus nombreux. Les personnes de couleur sont souvent représentées comme étant hypersexuelles, soit « animales », « épicées » ou encore « exotiques ».

Il est certain que ces scénarios empreints de violence ont un impact sur notre vie intime collective.

La pornographie d’aujourd’hui comporte d’ailleurs une multitude de représentations et de symboles. Alors que plusieurs catégories existantes comme « asian » ou « black » réduisent les personnes de couleur à des personnages fixes, comprimés dans des stéréotypes, la catégorie « blanc » n’existe pas... Étrange, non? 

Tout cela nous laisse avec beaucoup de questions. Est-ce que la pornographie nait au niveau de l’univers privé des fantasmes, ou bien est-elle créée par des structures d’oppression plus grandes que nous? 

Est-ce que la pornographie reflète des préférences ou bien est-elle connectée à des pratiques discriminatoires générales?

Dans la littérature, un des discours les plus fréquents sur la pornographie soutient que le plaisir est indéniablement connecté à des structures d’oppression, dans lequel la femme est souvent la première victime.

Cependant, une nuance s’impose! Les personnes de couleur peuvent évidemment se réapproprier leur plaisir et reprendre contrôle de leur sexualité. Certaines productions de pornographie dite « éthique » mettent en valeur des personnes racisées et queer et font toute la place à l’empowerment

Deux hommes s'embrassent

Si vous êtes en relation avec une personne d’une autre ethnicité que vous, je vous encourage à [...] lui donner la parole et à valider son ressenti.

Une fois que l’on reconnaît tous ces éléments, vous vous demandez peut-être : comment entretenir une intimité saine avec mon ou ma partenaire d’une autre ethnicité?

Bonne nouvelle, il existe des pistes de solution. Si vous êtes en relation avec une personne d’une autre ethnicité que vous, je vous encourage à lui demander comment elle se positionne par rapport au racisme sexuel, à lui donner la parole et à valider son ressenti.

Rappellez-vous seulement que ce n’est pas le travail de votre partenaire de vous éduquer sur le sujet. Il est de votre responsabilité de reconnaître vos privilèges en tant que personne blanche. Le fait d’avoir un.e ami.e ou un.e partenaire de couleur ne vous empêche pas d’avoir des comportements, commentaires ou attitudes racistes. Alors, continuez d'ouvrir votre esprit et de vous intéresser au sujet du racisme!

Sources : Corneau, S. et al. (2016). Les hommes noirs de Montréal qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes et le racisme sexuel : défis, mécanismes de résilience et pistes d’intervention. Nouvelles pratiques sociales, 28(1), 125–140. 
Hill Collins, P. La pensée féministe noire. (2016). [traduit de l’anglais par Diane Lamoureux], Montréal, Les éditions du Remue-ménage. 479 p.
Miller-Young, M. (2010). Putting Hypersexuality to Work: Black Women and Illicit Eroticism in Pornography. Sexualities, 13(2), 219–235.