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Témoignages

Être une enfant (avec des dents de lait!) sur les plateaux de tournage

Comédienne depuis sa plus tendre enfant, Alice Morel-Michaud nous partage quelques photos souvenirs, mais aussi une histoire de dents de lait touchante qui a marqué sa croissance, sa perception d’elle-même et son sourire.

Âgée aujourd’hui de 22 ans, la jeune femme nous ouvre les coulisses de son passage à la vie d’adulte.

Tu ne me connais peut-être pas, et c'est parfait comme ça. Si tu me connais, ce n’est pas très important, puisqu'ici je ne vais pas te parler en long et en large de ma carrière. 

Par contre, je pense que c'est important de débuter en te disant que j'ai eu mon premier contrat de comédienne à l'âge de cinq ans

Même si ma carrière ne définit pas ma vie, c'est quand même un petit détail qui peut t'aider à comprendre qui je suis aujourd'hui.

Ça, pis mes dents. Laisse-moi te raconter.

Alice Morel-Michaud sur le plateau de « La Galère », un de ses premiers tournages.

La petite Alice

On peut dire que j'ai brûlé plusieurs étapes de l'enfance en commençant à travailler avant la première année du primaire.

Pourtant, je me sentais à ma place sur les plateaux de tournage, entourée d'adultes, ma petite tête lourde de responsabilités. J'adorais chaque étape de ces longues journées passées dans un univers inconnu de mes camarades de classe. C'était comme mon monde secret, mon terrain de jeu où je jouais (littéralement) tous les rôles. 

J'étais fière d'avoir ma place parmi les « grands », et je travaillais fort pour gagner leur respect. 

Parce que ce que je détestais plus que tout, c'était qu'on me rappelle mon statut d'enfant. Chaque mention de mon jeune âge me démangeait autant qu'un vieux chandail de laine.

Alors je me forçais à bien parler et à être informée sur l'actualité, à ne pas trop faire de siestes, à ignorer la présence obligatoire de ma mère sur les lieux, et, bien sûr, à faire preuve d'un professionnalisme exemplaire. 

J'espérais très fort que tous ces efforts me transformeraient en adulte aux yeux de tous. Selon ce qu'on me disait, ça semblait fonctionner. On me qualifiait de « mature » partout où j'allais, un mot que je portais fièrement, telle une médaille olympique. 

Trahison ultime

Bien évidemment, mon corps de petite fille s'en foutait complètement de ce que ma tête voulait : je ne perdais pas mes dents de bébé! 

Ce petit retard de croissance faisait tomber à l'eau ma ruse... et je percevais ça comme une trahison ultime.

Bon, on s'entend, j'ai fini par les perdre, mais beaucoup plus tard que la majorité des enfants. Ma mère m'avait rapidement expliqué que quand j’étais bébé, j'avais mis du temps à les faire pousser, ces dents de lait. La raison m'importait peu, j'avais terriblement honte d'avoir, encore à l'aube du secondaire, une majorité de dents de bébé. 

Le pire? Mon dentiste ne voyait pas ça comme un problème: « On va les laisser tomber naturellement, c'est mieux comme ça », disait-il.

Comble de la honte, j'ai même déjà dû avoir une prothèse d'une de mes palettes, parce qu'elle était tombée au beau milieu d'un tournage.

On s'entend que c'est un peu plus difficile de s'insérer dans une discussion sur le divorce d'un des comédiens adultes quand t'as un trou dans le sourire...

Ma petite prothèse et moi sur le plateau de « Les Soeurs Eliott ».
Petite selfie pré-traitement Invisalign.

Un sourire en construction

Vers la fin de mon secondaire, une dent s'accrochait encore à ma gencive comme je m'accrochais à mon enfance trop courte. 

Parce qu'en vieillissant, lorsque j'ai commencé à avoir de « vraies » responsabilités d'adulte, j'avais juste eu le goût de les fuir.

À l'aube de mes 18 ans, en me regardant dans le miroir, j'aurais souhaité avoir une bouche remplie de dents de bébé. Je voyais la petite canine qui me restait comme un passe-droit, qui me permettait de justifier de ne pas aller seule chez le comptable, de ne pas prendre mes rendez-vous médicaux moi-même, de ne pas savoir comment faire mon lavage et surtout, d'appeler ma mère pour tout et rien. 

C'est mon corps qui me rappelle qu'un sourire d'adulte, ça évolue tranquillement et que c'est toujours un peu fragile.

Après m'être sentie comme une enfant-adulte pendant des années, je me sentais maintenant comme une adulte-enfant.

Ma dernière dent de bébé s'est fait arracher par un orthodontiste qui, tel un sauveur, m'a encore une fois donné une prothèse, tout en commençant un traitement Invisalign.

Les quelques personnes de mon entourage qui me voyaient sans ma prothèse étaient bien conscientes de l'amour que je leur portais… Tu comprends que de pouvoir légalement entrer dans les bars tout en ayant une dent qui pousse, je ne m’en vantais pas!

Mon sourire d'adulte!

Adulte-enfant, et fière de l'être!

Je me sens encore souvent comme une adulte-enfant. Je ne comprends pas encore tous les détails de mon hypothèque, et j'aime vraiment plus la limonade que la téquila. 

Pour ce qui est de mes dents, je me force à en prendre soin. 

Je porte un appareil dentaire la nuit qui moule mes dents, maintenant droites et poussées au complet. Ça m'arrive parfois d'oublier de le mettre avant de m'endormir, par paresse, je l'avoue.

Quand je me décide enfin d'assumer la responsabilité qu'est d'entretenir ce sourire, mes dents me font mal. J'imagine que c'est encore une fois, mon corps qui me rappelle qu'un sourire d'adulte, ça évolue tranquillement et que c'est toujours un peu fragile. 

Pour le moment, à 22 ans, ça ne me dérange pas de ne pas être une « vraie adulte ». Si acheter du vin nature pour écouter de vieux épisodes de Hannah Montana ça fait de moi une adulte-enfant, j'ai aucun problème avec ça! 

Je prends mon sourire tel qu'il est. Imparfait, certes, mais symbolique. 

On s'en reparle dans quelques dizaines d'années... Quand j'aurai inévitablement un dentier!