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Témoignages

Accompagner un proche avec l’aide médicale à mourir : témoignages

Mourir. Un mot qui fait peur. Une finalité. Le bout de la route qui nous attend tous et toutes un jour. Quand et comment? C’est probablement l’absence de réponse qui est la plus insécurisante.

Depuis 2016, l’aide médicale à mourir permet toutefois aux Canadiens et Canadiennes répondant à certains (nombreux) critères de choisir la date et l’heure de leur fin de leur vie. Un moment qui est souvent vu comme un soulagement autant pour la personne qui en fait la demande que pour ses proches.

Le sujet me touche particulièrement, car ma tante a eu droit à ce privilège l’an dernier. Un privilège de choisir de mourir? Oui, c’est un privilège de prendre cette décision de partir avant que la maladie s’attaque à la qualité de vie et d’avoir la liberté de faire de sa mort une fin douce et non douloureuse.

Trois personnes se confient sur la fin de vie de leurs parents qui ont eu accès à l’aide médicale à mourir.

L’avant

Il n’y a rien de plus bizarre que de « préparer la mort » de quelqu’un. En temps normal, le délai entre la demande pour l’aide médicale à mourir et le jour J est de 10 à 12 jours. Pendant ce temps, le demandeur rencontre différents intervenants : travailleur social, médecin, infirmière, afin de confirmer son état de santé et d’expliquer comment le tout se passera.

Dans le cas de Nathalie, le processus a été beaucoup plus long. Sa mère (ma tante), atteinte d’un cancer incurable, était encore en relativement « bonne » santé lors de la demande pour l’aide médicale à mourir. Une date lui a rapidement été confirmée vu sa maladie. Quelques jours à peine avant le jour J, on l’appelle pour lui dire que sa date était repoussée et qu’elle serait contactée de nouveau « sous peu ».

Pandémie oblige, les lits pour accueillir les patients en fin de vie étaient saturés ou bien n’accueillaient simplement pas de nouveaux patients. 

Aide médicale à mourir

En fait, au pays, on peut choisir de recevoir l’aide médicale à mourir à la maison ou dans un lieu prévu pour les patients en fin de vie. 

Alors pour ma tante, les jours passent. « Je trouvais ça épouvantable, précise Nathalie. Tu as comme un rendez-vous avec la mort et tu es comme oubliée par le système ». C’est après de nombreux appels et démarches que Nathalie a pu trouver un endroit où sa mère pourrait quitter ce monde, ce qui a, par le fait même, ré-enclenché le processus permettant enfin d’avoir une date officielle pour le décès de sa mère.

Nadine aussi a vécu les dédales administratifs du système pour son père qui souffrait terriblement et, comme elle le précise, « heureusement que c’était avant la pandémie ». Son père était « impatient » devant les délais. « Ça a vraiment été un cauchemar pendant lequel j’appelais les médecins, les infirmières de soin à domicile, pour essayer d’avoir du support qu’on avait plus ou moins, m'a-t-elle expliqué. Tout ce que tu souhaites à travers ça, c’est que son souhait soit réalisé, c’est la mort de ton père. Ça fait bizarre à dire, mais c’est ça quand même. »

À lire aussi : Aide médicale à mourir pour les mineurs: le débat est ouvert

Au Nouveau-Brunswick, on parle d’un minimum de 2 semaines entre la demande et le jour J. Marie-Hélène a bien vécu le processus pour sa mère atteinte d’une maladie rare qui a tout de même duré un mois avec tous les rendez-vous. « Quand ma mère m’a parlé qu’elle avait fait la demande, ça été un choc, plus un «ouf», on est rendu-là. Mais elle ne voulait pas vivre confinée dans son propre corps pour le restant de ses jours, se souvient-elle. Et on s’attendait à ce que ce soit son souhait. »

Une fois la paperasse réglée, le souhait du père de Nadine, de la mère de Nathalie et de la mère de Marie-Hélène a pu se réaliser.

Aide médicale à mourir

Ça fait bizarre d’organiser la mort de sa mère. Je ne sais pas où j’ai pris la force de tout faire, mais je suis contente que ma mère soit partie comme ça.

Le jour J – une fin en douceur

Que ce soit à la maison, dans un établissement pour les gens en fin de vie ou aux soins palliatifs à l’hôpital, le jour J est rempli d’émotions. « On est triste de voir la personne qu’on aime partir, mais en même temps on est content qu’elle soit délivrée, révèle Nadine. C’était un beau moment malgré les circonstances. »

« Je me rappellerai toujours ce matin-là, pendant le trajet en voiture vers la maison de soins, ma mère regardait par la fenêtre sachant que c’était la dernière fois qu’elle voyait les rues de son Laval », se remémore de son côté Nathalie.

Certains choisissent d’en faire une célébration de la vie. Nathalie a demandé à sa mère ce qu’elle souhaitait avant de partir : « des petites bouchées, du champagne et une petite musique douce », lui a-t-elle demandé après une certaine réflexion. « Ça fait bizarre d’organiser la mort de sa mère. Je ne sais pas où j’ai pris la force de tout faire, mais je suis contente que ma mère soit partie comme ça. On a vraiment parlé de toutes sortes d’affaires ce jour-là sans que ce soit triste », confie Nathalie avec émotions.

Marie-Hélène pense que l’aide médicale à mourir, « c’est plus facile pour la famille » que de voir mourir un être cher à petit feu dans la maladie et la souffrance. « Il y a une espèce de réconfort à savoir que c’est ce qu’elle veut, qu’elle est rendue au bout de sa route, c’est son choix et on va la laisser partir comme elle veut », souligne-t-elle.

Au moment où la personne confirme une dernière fois son désir de mourir, que l’injection finale est faite, les pleurs, la peine et la douleur sont au rendez-vous. Après tout, une personne chère vient de quitter ce monde et vous laisse continuer votre vie sans elle.

Aide médicale à mourir

Bien que l’aide médicale à mourir divise encore, ce que je retiens des familles qui ont passé à travers la « mort planifiée » de leurs proches est un sentiment de sérénité d’avoir pu offrir une fin de vie digne. 

Ma grand-mère a 100 ans (et demi!) et elle est en pleine forme. Son plus grand souhait est de simplement s’endormir vers la mort, tout doucement. N’est-ce pas là une manière moins apeurante de quitter ce monde?

Pour en savoir plus sur la démarche, rendez-vous sur Canada.ca