Comment sortir d’un carcan alors que c’est tout ce que l’on connait? Guillaume Pepin a dû prendre son courage à deux mains pour se frayer un chemin à l’extérieur des Témoins de Jéhovas. Autrement, il n’aurait pu vivre son homosexualité ni devenir comédien.
Une enfance en marge de la société
Guillaume Pepin a eu une enfance que l’on pourrait qualifier de belle et relativement normale. Il a des parents aimants et une communauté qui les entoure. Malgré tout, il vit en marge de la société puisque son père et sa mère ont joint le mouvement des Témoins de Jéhovah à sa naissance. Ses camarades de classe sont donc de simples camarades, sans plus. À l’extérieur des heures d’école, il ne peut les fréquenter et doit plutôt se consacrer à l’étude de la Bible et à des soirées de prières. Il ne peut participer aux diverses fêtes, ni se déguiser et accepter des bonbons. De petites interdictions anodines ici et là, mais qui, lorsqu’on les cumule fait que l’on est différent. Tous ses repères sont au sein du mouvement et rien ne le rattache aux gens à l’extérieur de cette religion.
En très bas âge, Guillaume s’intéresse aux garçons. D’ailleurs, dès la maternelle, il dresse dans sa tête une liste de garçons préférés. À l’adolescence, il prend conscience de son homosexualité. Toutefois, cette réalité n’est pas acceptée chez les Témoins de Jéhovas, et même condamnée. Peut-il « guérir »? Plus les années passent, plus il réalise que sa place n’est nulle part. Pour tenter d’être heureux, il devra s’éloigner de cette communauté. Mais comment faire, alors qu’il ne connait rien d’autre?
Il en va de même avec ses intérêts pour les arts de la scène. En effet, au sein de ce regroupement, le milieu artistique n’a pas une bonne réputation. Selon certains adeptes de cette religion, l’univers des comédiens en est un de débauche. Sa mère va même jusqu’à le questionner : « mais que vas-tu faire si tu dois jouer le rôle d’un homosexuel? » Il lui répond qu’il accepterait ce rôle puisque cela représente la réalité. Avec cette réponse, c’est pour lui, le début d’une petite révolution.
Quitter les Témoins de Jéhovas et accepter son homosexualité
En 2004, alors qu’il est âgé de 22 ans, il décide de quitter les Témoins de Jéhovas et fait son coming out auprès de ses parents. Quelques mois plus tard, il part de la maison familiale de Ste-Julie et emménage à Québec. Évidemment, le changement drastique s’avère difficile. Recommencer une vie ailleurs lorsqu’on n’a aucun réseau s’avère tout un défi. Les regroupements comme les Témoins de Jéhovas ont compris qu’en limitant les liens avec la société, quitter le groupe devient pratiquement impossible.
Guillaume repart donc à zéro, mais il vit enfin comme il le souhaite. Étrangement, alors que son nouvel entourage le trouve courageux de tout laisser derrière lui, de réapprendre à vivre à l’extérieur des Témoins de Jéhovas, ses parents le trouvent faible. Ils se rallient plutôt au regroupement des Témoins de Jéhovas. Celui-ci est très strict et ferme. Il ne faut, en aucun cas, aller à l’encontre des principes de la Bible. En ce sens, l’homosexualité n’est pas compatible avec cette religion qui suit à la lettre les écritures bibliques.
Guillaume se retrouve donc dans une situation où il devra mettre une croix sur son orientation sexuelle ou sur sa famille. La rupture définitive avec son milieu devient de plus en plus inévitable. Il ne peut renier ce qu'il est au plus profond de lui.
Faire le deuil de ses parents
Durant les 14 années qui ont suivi son départ, il revoit ses parents trois ou quatre fois. Il leur parle à l’occasion afin d’avoir de leurs nouvelles. Cependant, il y a un peu plus d’un an, il a cessé de leur téléphoner. Le deuil de ses parents s'impose, même s’ils sont encore en vie puisqu’ils n’accepteront jamais sa véritable identité. Il n’y a plus rien qui les relie les uns aux autres. Il ne pourra jamais les connaitre vraiment, savoir ce qu’ils pensent au fond d’eux-mêmes, puisqu’ils sont pris avec les règles imposées par les Témoins de Jéhovas.
Un docu-théâtre qui met son histoire à l’avant-plan
En 2017, un metteur en scène qui souhaite réaliser une pièce de théâtre documentaire l’approche afin qu’il parle de son expérience. Ils créent alors la pièce l’Hôtel-Dieu, où huit personnes racontent leur histoire portant sur la souffrance et le deuil. Pour Guillaume Pepin, ce spectacle constitue un second coming out, cette fois-ci au sein du milieu artistique. Son entourage ne connaissait pas son passé trouble. La pièce touche les gens, à différents niveaux. La souffrance n’est pas toujours physique, les deuils ne sont pas toujours reliés à la mortalité.
Guillaume Pepin a réussi à briser les chaines de son carcan, à faire tomber les murs qui l’opprimaient et, de l’autre côté, il a découvert qu’il n’était pas seul. Aujourd’hui, il s’accepte tel qu’il est. Il est comédien et metteur en scène, mais surtout, il est… heureux! D’autant plus qu’il a la chance de vivre de sa passion : le théâtre.