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Famille

Est-ce que le piercing des oreilles chez un bébé sexualise l’enfant?

Voici un article sorti en France et qui fait jaser : un médecin, défenseur militant des droits des femmes et des enfants, s’insurge contre le piercing des oreilles des bébés.

Selon le Dr. Gilles Lamizi, « le percing aux oreilles sexualise l’enfant car on distingue les filles et les garçons. Mais surtout, où est le consentement? Car percer les oreilles d’une personne sans demander l’autorisation, c’est s'approprier le corps de l’enfant. Que ferait l’adulte si on lui perçait les oreilles sans le lui demander? », a ajouté le médecin.

Perçer les oreilles d'un bébé, c’est très culturel

Commençons d’abord par les raisons qui expliquent le piercing des oreilles si tôt dans la vie. Dans certaines cultures, et j’inclurais là-dedans la nôtre, il s’agit d’une pratique très répandue. Que ce soit lié à des standards esthétiques, des traditions particulières ou simplement à ce qui est perçu comme une nécessité de présenter au monde le genre du bébé, il y a des endroits où « tout le monde le fait » et où on ne se pose pas trop de questions, point.

Avec les années par contre, je me suis rendue compte que c’était loin d’être un phénomène universel. De par des amitiés en ligne que j’ai tissé avec des mamans un peu partout dans le monde, j’ai réalisé qu’à certains endroits, perçer les oreilles d’un bébé était considéré comme complètement incongru!

Par exemple, au Royaume-Uni, il ne viendrait jamais à l’esprit des nombreuses mamans que j’ai côtoyé de perçer les oreilles de leurs filles avant au moins l’âge scolaire, mais souvent jusqu’à la pré-adolescence. Là-bas, ça me semblait beaucoup être une question de « rien ne presse, autant attendre qu’elle le choisisse et soit consciente ».

Dans les cercles de mamans de la Côte Ouest des États-Unis, libérales et aisées, la mentalité pour attendre était encore une fois différente : perçer les oreilles d’un bébé était plutôt considéré comme mal vu, comme le signe distinctif des classes moins fortunées et moins éduquées. Attendre servait donc plus à se démarquer dans l’échelle sociale.

Bébé fille

Et pourquoi ce serait important que des étrangers puissent identifier correctement que mon bébé de 5 mois est une fille?

La question du consentement

Qu’en est-il du consentement? Un bébé aussi jeune ne peut en effet aucunement donner son accord à un tel acte.

Est-ce important? Bien sûr que ce n’est pas un geste majeur ou qui a des conséquences lourdes à long terme. Mais la question se pose quand même, par principe. On ne ferait pas un tatouage sur un bébé, même pas un minuscule, et on n’altèrerait pas son corps d’une quelconque autre manière pour des raisons purement cosmétiques.

Depuis quelques années, on parle plus de l’absence du consentement de ceux qui ne peuvent pas le donner, non seulement les enfants mais aussi les personnes avec une déficience intellectuelle et même les animaux. Tout est remis en question ou au moins discuté, de la circoncision non-médicale au dégriffage de nos animaux de compagnie. Alors pourquoi le débat ne s’appliquerait-il pas à cette question?

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Et l’appropriation du corps?

Le Dr. Lamizi n’est pas du tout d’accord avec l’argument que c’est une tradition, et que perçer les oreilles d’un bébé « fait moins mal » et « cicactrise mieux » que plus tard dans la vie. Pour lui, il s’agit d’un argument qui ne tient pas la route.

« C’est… pour se convaincre que ce qu’on fait ne pose pas de problème. Alors que le perçage symbolise l’image que se fait le parent de l’enfant. Alors que ça reste une violence, car ça va lui faire mal. Ce sont des traditions d’un autre âge et aucune tradition ne peut justifier des violences. Les traditions d'avant n'étaient pas forcément les bonnes », dit-il.

Qu’on soit d’accord ou pas, il reste qu’il a un point et que c’est le parent qui pose ce geste pour lui ou elle-même en transposant sur l’enfant des notions (d’esthétisme ou de genre) d’adulteOn ne perçe pas les oreilles d’une toute petite fille pour son bénéfice à elle.

Maman et bébé fille

Sexualisation est peut-être un mot trop fort? Sauf que.

Personnellement, je ne vois pas de sexualisation dans ce geste, mais certainement une volonté délibérée de « genrer » l’enfant très rapidement.

Lorsque j’ai eu une fille, j’ai été franchement surprise de voir combien de personnes m’ont demandé quand j’allais lui faire perçer les oreilles, dès les premiers mois de sa vie. Ma réponse à cette question était très simple et intuitive : « quand elle va le demander!* »

Chaque fois que je me faisais poser la question, je la retournais aussi à la personne : « pourquoi devrait-on le faire si tôt? » Je me faisais toujours regarder comme si j’étais une extra-terrestre : « mais pour qu’on sache que c’est une fille, voyons!! »

Et à ça, j’avais tout de suite envie de rétorquer : « et… pourquoi ce serait important que des étrangers puissent correctement identifier que mon bébé de 5 mois est une fille? »

Je suis une personne très féminine et j’ai les oreilles perçées, alors je suis loin de rejeter les stéréotypes de genre… Mais je ne peux pas m’empêcher de trouver qu’on va vraiment loin avec le genre des enfants - des bébés - en ce moment.

Je constate que le climat et le discours général de ma propre enfance étaient beaucoup moins genrés, de plusieurs manières. La mentalité a vraiment changé ces dernières années ; c’est comme si on était devenus très inconfortables avec la possibilité de se trouver même juste un petit peu en dehors des cases toutes faites, et ce dès les premiers moments de la vie. Ça va évidemment beaucoup plus loin que le piercing des oreilles, mais ça en fait partie.

Et toi, quel est ton point de vue là-dessus?

* Finalement, c’est arrivé lorsqu’elle avait 3 ou 4 ans. On l’avait alors préparé au fait que ça allait faire légèrement mal pendant quelques secondes, mais elle souhaitait le faire quand même. C’était probablement encore un peu trop tôt, puisqu’elle a rapidement perdu une boucle d’oreille et que comme on ne s’en est pas occupé pendant quelques mois, son trou s’est refermé. Alors il a fallu repasser par le piercing, avec le stress et les pleurs qui viennent avec.

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