Il y a des kilomètres tout doux que l’on accumule sans effort, en voiture, les fenêtres grandes ouvertes. Il y en a d’autres qui se présentent tels de véritables défis à accomplir, comme autant de belles et exigeantes montagnes à gravir. Au coeur de la nature sauvage de Lanaudière, c’est 100 km du Sentier national en Matawinie que j’ai défié, un pas à la fois, lors d’une longue et intense randonnée.
« Je suis allé dans les bois parce que je voulais vivre délibérément. Je voulais vivre intensément et sucer la moelle de la vie. Réduire à néant tout ce qui n'était pas la vie. Et ne pas, quand je viendrais à mourir, découvrir que je n'aurai pas vécu ». Cette citation d’Henry David Thoreau, je l’ai eue en tête chaque jour de marche sur le Sentier national en Matawinie.
Car si je m’en suis allée dans les bois, ce fut effectivement pour vivre des moments en toute liberté et me sentir complètement en vie en m’appropriant un environnement presque vierge et aux multiples contradictions. Une nature intouchée qui m’est apparue comme une véritable métaphore de la vie : à la fois douce et grisante, féroce et surprenante, sournoise, grandiose et apaisante...
C’est en « semi-autonomie* » que ma comparse marcheuse et moi avons emprunté cette centaine de kilomètres du Sentier national, une parcelle de ce grand projet national visant à compléter un parcours de randonnée pédestre traversant le Canada d’un océan à l’autre, comptant 1100 km au Québec seulement. Un long chemin peu fréquenté offrant le calme, le défi physique et la sérénité dont avaient grandement besoin ma tête et mon coeur de confinée.
Nous nous sommes ainsi engouffrées dans la forêt boréale depuis Notre-Dame-de-la-Merci pour ne pratiquement plus en ressortir avant d’atteindre Sainte-Émélie-de-l’Énergie. Bâtons de marche quasi greffés aux mains et bottes de randonnée devenues nos plus fidèles alliées, nous avons marché, grimpé, dévalé et parfois même deviné ce sentier (heureusement soigneusement balisé) qui allait chaque jour me surprendre et auquel je me suis attachée… Malgré les montées semblant se multiplier à l’infini, les descentes souvent vertigineuses et les impressions d’être parfois avalée puis recrachée par une forêt aux multiples personnalités.
Je pourrais vous décrire précisément chacune de ces journées, vous parler des montagnes sur lesquelles je me suis tenue fièrement et de celles bleutées s’élevant au loin et que j’ai dévorées des yeux.
Je pourrais vous partager les notes prises à la main dans mon cahier le soir venu, recroquevillée dans mon étroite tente ou à l’abri dans l’un des refuges du sentier alors que mon corps fatigué luttait pour ne rien oublier.
Je pourrais vous lancer des chiffres et des kilomètres (17 km en une journée entière à marcher sous la pluie, 16 autres à se balader en grande partie sur des crêtes orangées, une quinzaine à tenter de ne pas flancher dans les montées pointues sous 42 degrés de canicule…), mais c’est l’expérience dans son entièreté que j’ai envie ici de célébrer.
La nature dans laquelle on choisit, délibérément, de se fondre pendant 7 jours et 6 nuits, afin de se défier et de se retrouver. Parce qu’il n’y a rien comme les grands espaces pour laisser enfin son esprit vagabonder, être totalement libre, réfléchir, se remettre en question et se sentir infiniment léger.
Au-delà du défi physique que représente ce sentier (dont les différentes sections sont classées d’intermédiaires à difficiles), ce sont les panoramas plantés dans le téléphone, mais surtout directement dans le coeur qui bouleversent. Les points de vue surplombant tous ces lacs et ces rivières, la suite de conifères aux pointes dansantes, les montagnes semblant avoir été dessinées au pied du ciel et les forêts se faisant tantôt obscures, bienveillantes, exigeantes ou quasi enchantées.
Le temps d’une semaine sans électricité, d’un pont suspendu à un mont gravit à grands coups de courage et de bâtons, de pas foulant herbes hautes, terre, roches, boue, mousse, fougères et ruisseaux, je me suis non seulement physiquement dépassée, je suis aussi parvenue à me libérer l’esprit et à mettre de côté les petits et grands drames des mois derniers.
Au coeur de la forêt de Lanaudière, si près de la maison mais pourtant si loin, j’étais complètement ailleurs. J’ai marché longuement en silence, j'ai beaucoup discuté, j'ai parfois chanté, je me suis laissée porter par de la musique douce puis animée, j'ai ri à en avoir mal au ventre, j'ai eu mal aux pieds, j'ai sautillé, j'ai traîné de la patte, j'ai bougonné, je me suis posé mille et une question, j'ai trouvé mille et une réponse, j'ai rêvé, j'ai composé des lettres et des textes intérieurs, j'ai eu de beaux moments d’inspiration, j'ai souffert, j'ai manqué de souffle par les montées et la beauté du monde et j'ai eu conscience de ma chance d’être dans ces bois, à ce moment précis, et nulle part ailleurs.
*Semi-autonomie : Parcs régionaux MRC Matawinie sont à peaufiner un service de transport de bagages permettant d’alléger les sacs des marcheurs lors de cette longue randonnée. Nous portions donc nos sacs à dos contenant nos essentiels et notre nourriture « de jour » pendant la plus grande partie de la randonnée, et un service de ravitaillement au refuge était proposé le soir venu. Le reste de nos bagages, notre nourriture, notre eau pour le jour suivant, notre vaisselle, notre réchaud et notre matériel pour la nuit nous attendait dans nos différents refuges. Lors de notre nuit en lean to (en français « appentis » : une structure de bois formant un abri de fortune sur laquelle nous avons personnellement posé notre tente), nous avons dû transporter notre tente et notre matériel de camping le jour précédent et le jour suivant; les patrouilleurs ne pouvant s’y rendre pour nous ravitailler. Nous avons puisé notre eau à même les rivières croisées sur la route, en prenant soin d’ajouter à nos bouteilles des pastilles de purification d’eau.
Équipement nécessaire pour une longue randonnée
Pour effectuer une telle randonnée, en plus de bons vêtements de plein air et de sport, il est essentiel d’avoir des bâtons de marche, de bonnes bottes de randonnée, des guêtres, un bon sac à dos, un filet, de la crème et du vaporisateur anti-moustique, un imperméable, une casquette, un camelbak (sac à eau), un réchaud, un sac de couchage et un tapis de sol.
Service de location d’équipement de plein air
Vous n’êtes pas équipés pour le camping et le plein air et n’avez pas nécessairement envie de tout acheter pour une seule randonnée? L’entreprise québécoise Locapaq propose un service de location d’équipement pour le camping, la randonnée et les expéditions. Du sac à dos à la tente en passant par les matelas de sol, les bâtons de marche, les sacs de couchage… Une belle alternative pour les nouveaux randonneurs.
Envie d’en savoir plus sur les Parcs régionaux MRC Matawinie et le reste du Sentier national? Les informations et les cartes téléchargeables se trouvent sur le site Web du sentier.
Il faut garder en tête que cette longue randonnée est pour les randonneurs expérimentés (le sentier des Contreforts menant au refuge des Capucines s’avère particulièrement difficile). Certaines portions pouvent toutefois être empruntées à la journée et convenir à des randonneurs de niveau intermédiaire et même débutant.