COVID-19 : une infirmière auxiliaire en soins palliatifs s'ouvre sur son quotidien chamboulé
« Tous les matins je me réveille en me demandant si j’ai des symptômes ».
Elle me parle depuis sa chambre d’hôtel, à la fin d’une longue journée de travail. Si Karina (nom fictif) ne rentre plus dormir à la maison depuis 2 semaines et demie, c’est que l’infirmière auxiliaire tient plus que tout à la santé de ses deux fils et de son conjoint à la santé fragile.
Bien qu’elle n’ait pas contracté la COVID-19 *, la travailleuse de première ligne côtoie chaque jour - et de très près - des patients qui en sont atteints.
Pour l’amour des patients et des êtres chers
Chaque matin, lorsqu’elle arrive au département de soins palliatifs où elle travaille depuis 9 ans, Karina doit signer un formulaire attestant qu’elle ne présente aucun symptôme de la COVID-19. Elle porte masque, gants, uniforme de travail, visière et jaquette au quotidien, mais elle est consciente que malgré toutes ces précautions, les chances restent élevées qu’elle attrape le sournois virus.
« C’est sûr que je suis toujours craintive », dit celle dont le rôle est d’administrer médicaments, traitements et soins aux patients malades et en fin de vie. « Le fait d’être à l’hôtel me sécurise énormément, car je ne suis pas chez moi à me demander si j’ai touché à quelque chose qui pourrait donner le virus à mon chum ou à mes enfants. Cela m’enlève un gros stress, même si je m’ennuie d’eux ça n’a pas de bon sens ».
« Je sais que je suis protégée au travail et que je fais ce qu’il faut », ajoute l’infirmière auxiliaire. « Et si je l’attrape et bien… je l’attraperai, mais j’aurai pris soin des gens tout en n’ayant pas mis ma famille en danger ».
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Au coeur de ce CHSLD, un ancien hôpital ayant gardé une urgence de jour actuellement revitalisée en clinique COVID, elle travaille sur l’étage des soins palliatifs et UTRF (unité transitoire de réadaptation fonctionnelle) alliant gériatrie et réadaptation.
« Quand la crise a commencé, je venais de tomber en vacances », raconte-t-elle. « On m’a téléphoné pour me dire que j’avais été en contact avec quelqu’un qui était positif. Je me suis retrouvée en confinement; la santé publique a fait un suivi avec moi, mais comme je venais de terminer une bronchite, j’avais des symptômes. Ils m’ont finalement testé pour s’assurer que je n’étais pas positive. J’ai fait mes 14 jours d’isolement et je suis retournée travailler ».
Jusqu’à maintenant, Karina a été testée 4 fois pour la COVID-19. Un dépistage systématique de tout l’hôpital - employés et patients - a finalement été fait il y a deux semaines. Des cas positifs sans symptômes ont alors été découverts.
C’est avant même ses vacances qu’elle a pris - par elle-même - la décision de se changer au travail, de mettre son téléphone dans un sac de plastique, de se déshabiller à côté de la laveuse et de sauter sous la douche en arrivant du travail : « D’emblée, j’avais déjà mis cela dans ma tête, car aux soins palliatifs, on avait encore des visiteurs. Je n’avais donc aucune idée si les gens étaient porteurs du virus ou pas ».
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Plus rien de pareil
Lorsque Karina est retournée travailler, « il n’y avait plus rien de pareil » : interdiction de se promener d’un département à un autre, port du masque de l’entrée à la sortie (à l’exception des repas pris à 2 mètres de distance des collègues), port d’un uniforme unique pour tout le personnel de l’hôpital (du médecin à la secrétaire en passant par l’entretien ménager), incessant lavage de mains, port de la visière (puisqu'il y a tellement de monde sur le département, il est difficile de respecter les 2 mètres), collants et rubans adhésifs au sol, sur les portes des patients infectés et désignant les différentes zones (dont la zone rouge où il faut porter jaquette et gants), cloisons dans les chambres…
« Je suis passée de prendre soin de mes patients en me lavant les mains et en changeant de gants en sortant de chaque chambre à, maintenant, 50% de mon temps qui se passe dans le lavage de mains et la désinfection du matériel… Les pratiques changent chaque jour pour s’améliorer. On est bien soutenu par notre équipe de gestion, mais ça demande de te réorganiser complètement, surtout par rapport à la désinfection et à la décontamination ».
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Elle prend désormais systématiquement les signes vitaux de chaque patient et continue de vérifier assidûment leur respiration. Elle et son équipe ont pour mission d’administrer des médicaments pour que les patients soient à l’aise au niveau respiratoire, qu’ils n’aient aucune douleur, qu’ils ne vivent pas d’anxiété et qu’ils quittent ce monde dans le confort et la dignité.
« C’est ce qu’on fait, de toute façon, avec tous les gens qui sont en train de mourir, de la COVID-19 ou pas. Les personnes âgées, oui il y en a beaucoup qui décèdent de la COVID, mais il y en a quelques un qui ne décèdent pas », explique celle qui se décrit comme une éternelle optimiste.
Les règles varient selon les établissements; là où Karina travaille, la famille d’un patient a le droit de venir lui rendre visite lorsqu’il se trouve en fin de vie. Un membre de la famille à la fois toutefois, à raison d’un maximum de 3 membres dans une même journée. Heureusement, aucune limite de temps crève-cœur maximum n’est imposée. Enfin, si le patient est atteint de la COVID-19, les visiteurs doivent porter la visière, en plus de la jaquette, du masque et des gants.
« Avant, j’étais fatiguée en revenant de travailler. Maintenant, je suis brûlée tout le temps », répond-elle lorsqu’on lui demande ce qui a le plus changé dans son travail. Si elle trouve laborieuses l’augmentation de la charge de travail et la demande d’adaptation constante liées aux procédures et à la réorganisation, ce qu’elle trouve le plus difficile reste toutefois le fait d’être loin de sa famille.
« J’ai l’habitude de tout compartimenter dans la vie, mais cet événement m’empêche de le faire. Nous sommes tous dans la même situation. Au travail, je m’inquiète à savoir si je suis adéquate pour moi, ma famille et les gens que j’aime ainsi que pour tous mes patients. En congé, c’est de ne pas avoir de temps de pause; ce week-end, la santé publique nous a fait tester pour la COVID. Mon deuxième week-end de congé où j’attends un résultat. Cela ne m’empêche pas d’aller prendre l’air ou de regarder un film, mais même si un test fut négatif 48 heures avant, ça occupe mes pensées… C’est toujours là. Heureusement, après un autre résultat négatif, j’ai réussi à décanter un peu grâce à la méditation ».
Infiniment sage, elle arrive à voir le positif à travers la crise.
« Il y a de bonnes choses qui vont en ressortir, si enfin le gouvernement peut voir l’aide dont les gens ont besoin en CHSLD. J’ai confiance que l’être humain est rempli de bonté. Si cela peut améliorer la qualité de vie de résidents et des travailleurs, ou si ça peut amener une créativité ou une manière de faire certaines choses, ce sera cela de gagné ».
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