Si on recule plus de vingt ans en arrière, mon lien avec le sport provenait surtout de mon frère et sa passion pour le soccer. C’était aussi mes parents qui mettaient beaucoup de temps et d’argent dans des tournois qui duraient trop longtemps pour une famille de deux enfants dont un.e qui ne joue pas au soccer.
Je me rappelle le dévouement de mon frère, les encouragements de ma mère et les conseils que lui donnait mon père. Moi, je chialais de devoir dormir dans des chambres de motels qui sentaient la cigarette mouillée et parce que l’attention n’était pas sur moi.
J’ai essayé de jouer au soccer. Cette année-là, je devais avoir 10 ans peut-être, j’étais trop grosse pour les chandails de mon équipe. Le petit deux manches bleu pâle des Moustiques de Mirabel qui était supposé voler au vent dans mon dos quand je courais ne voler pas pantoute. Trop petit. Trop petit dans le sens de: on a du le faire couper sur les côtés pour rajouter des patchs élastiques du bleu le plus ressemblant.
J’étais gênée. J’ai joué quand même, à la défense parce que c’était la place qui convenait le plus à la costaude du groupe. Ça ou gardienne de but. C’est probablement la position qui me rendait la plus confortable aussi.
J’ai reçu quelques insultes pendant les matchs, mais rien de trop envahissant. Ça n’aurait pas dû avoir lieu. C’est certain que ces moments, additionnés à mon chandail mutant, ne me donnaient pas envie de renouveler l’expérience Beckhamesque.
Plus tard, ou peut-être en même temps - ma mémoire n’est plus ce qu’elle était - j’ai fait de la danse. J’étais bonne en danse. J’étais fière de savoir danser et à mon souvenir, je n’avais pas honte de mes bourrelets qui se dandinent. Ils s’amusaient, ils avaient le rythme aussi... Jusqu’à ce qu’un parent d’une fille de ma classe de danse me fasse un commentaire qui existe malheureusement encore dans mon conscient: «C’est moins gracieux des personnes grosses qui dansent».
C’est vrai? Parce que moi, je croyais que j’étais la meilleure. En fait, je le savais. Je le voyais. La chubby bougeait bien.
J’ai réussi à faire le spectacle de fin d’année quand même, l’adrénaline avait fait son œuvre, mais j’y pense encore aujourd’hui quand Beyoncé n’arrive pas à me donner confiance sur le plancher de danse.
Après la danse, j’ai commencé le sport en salle. Ça allait. Je pouvais montrer que j’étais forte et l’orgueil faisait parler mon cardio.
D’aussi loin que je me rappelle, le gym a toujours été associé à la perte de poids. S’entraîner ne servait qu’à espérer la minceur pour moi. Personne ne m’avait enseigné le sport pour la santé mentale, le sport pour les saines habitudes de vie, le sport pour la discipline, le sport pour m’aimer mieux.
Je me décourageais à chaque fois de ne pas voir mon poids diminuer sur la balance. Je sais que je ne suis pas la seule. Le découragement est à la porte de ceux qui ne s’entraînent pas pour les bonnes raisons. J’ai ouvert cette porte à de nombreuses reprises au cours de ma vie.
S’entraîner ne servait qu’à espérer la minceur pour moi. Personne ne m’avait enseigné le sport pour la santé mentale, les saines habitudes de vie, la discipline, pour m’aimer mieux.
À l’école, j’ai toujours été la boulotte de ma classe. Que ce soit au primaire ou au secondaire, j’ai toujours été la plus grosse. J’ai aussi toujours craint les cours d’éducation physique. La course.... ugh, à en vomir.
C’est peut-être là que j’ai mis mes talents de comédienne de l’avant le plus souvent. J’ai fait beaucoup de scène dans ma carrière de chanteuse, mais cette époque m’aurait valu un Oscar. Je ne suis évidemment pas pour la manipulation, mais dire à mon professeur d’éducation physique que mon père était malade et que je devais rentrer à la maison ne me dérangeait pas du tout. Je jouais très bien du violon.
Et puis, de toute façon, personne ne me voulait dans son équipe. Personne ne se disait que je pouvais avoir de l’adresse, de la force, de la stratégie ou de l’équilibre parce que tout le monde était trop concentré sur le fait que les gros sont nuls en sport. Dommage pour eux.
J’ai donc évité le plus longtemps possible les cours de groupe. Dommage pour moi.
Il faut juste trouver de bonnes raisons de se mouvoir. Et par bonne raison, je ne veux pas dire perdre du poids, je veux dire me donner de l’amour. C’est tout.
Ce n’est que très récemment, dans les deux dernières années, je dirais, que j’ai compris que la discipline était une preuve d’amour envers soi. J’ai aussi réussi à changer ma façon de penser et ma motivation à me bouger les fesses. Je peux dire que je m’entraîne pour le plaisir, pour la santé, pour ma clarté mentale et pour me structurer dans ma journée. Je ne m’entraîne que pour être bien avec moi-même. J’ai respecté mon rythme et mon corps m’en remercie.
Personne ne devrait se sentir mal de bouger, peu importe sa façon de le faire. Ton corps bouge comme il le veut, c’est lui qui décide. Il faut juste trouver de bonnes raisons de se mouvoir. Et par bonne raison, je ne veux pas dire «perdre du poids», je veux dire me donner de l’amour. C’est tout.
On peut toujours renverser son rapport au sport, fais-moi confiance.
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