Le 21 septembre est la journée mondiale de l’Alzheimer, une maladie qui nous touche tous de près ou de loin. En effet, au Canada, plus de 500 000 personnes en sont atteintes; trois Canadiens sur quatre connaissent quelqu’un qui en souffre.
L’Alzheimer, une maladie dégénérative, sans remède
L’Alzheimer est une maladie neurodégénérative. Elle détruit les cellules du cerveau et s’avère irréversible. Il en résulte des troubles de la pensée et de la mémoire. Les personnes qui en sont atteintes perdent peu à peu leurs facultés, mais la dégénérescence se produit différemment d’un individu à l’autre, sur une période plus ou moins longue. La personne qui reçoit un diagnostic d’Alzheimer ne se transforme pas du jour au lendemain, les pertes cognitives se font graduellement et peuvent s’échelonner sur plus d’une dizaine d’années. L’établissement d’un diagnostic lui permet simplement de mieux comprendre ce qu’elle vit et l’incite à prendre des décisions concernant son avenir.
Car malgré les nombreuses études sur le sujet, aucun remède n’a été trouvé à ce jour. Les recherches permettent toutefois de mieux comprendre la maladie et tentent d’en identifier les causes, ce qui pourra mener sur la voie des solutions.
Encore taboue?
Même s’il s’agit d’une maladie fréquente, qui augmente en fonction de l’âge, d’ailleurs le Dr Bernier mentionne que passé 90 ans, une personne sur deux souffrira de démence, on aimerait mieux ne pas en parler! Il s’agit en effet d’une maladie qui fait peur… et avec raison.
On n’a pas envie de penser qu’un jour, on pourrait perdre nos facultés ou que l’un de nos proches se retrouverait dans cette situation. On a tous l’image du malade qui fixe le vide… un véritable cauchemar! Pourtant, il faut en parler, car de nombreuses personnes subiront cette maladie, et d’autres deviendront des aidants naturels.
Bref, on ne peut pas se mettre la tête dans le sable! Mais effectivement, ce n’est pas facile d’affronter cette maladie.
La perte de ses capacités
Ma grand-mère qui était la plus dynamique, la plus organisée des grands-mamans a perdu en l’espace de quelques années toutes ces capacités. Malgré tout, elle a été privilégiée… en quelque sorte. Son mari, mon grand-père, a pallié durant plusieurs années ses pertes de mémoire et ses changements de comportement. Lorsqu’il a été impensable qu’elle puisse continuer à vivre chez elle, il a été à son chevet tous les jours. Ses quatre filles se sont aussi relayées afin qu’elle ne soit jamais seule. Ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants la visitaient également à tour de rôle durant la fin de semaine.
L’importance de la famille
La famille apporte un baume aux moments de grande souffrance. Malgré tout, j’ai connu des instants de malaise alors que je parlais à ma grand-mère et que je réalisais que mes mots n’avaient plus aucun sens pour elle. J’ai compris qu’elle préférait tenir ma main simplement et admirer les doux traits de mes enfants. Mais on est si peu habitué à ces silences. J’ai écouté les autres patients, qui étaient beaucoup plus volubiles que ma grand-mère, me raconter chaque fois les mêmes histoires. Mes filles et moi, on a traversé la salle centrale qui nous faisait un peu peur, je dois l’avouer. Car à cet endroit, il y avait toutes ces personnes qui semblent attendre la mort en fixant le vide. Cette réalité qui existe pour vrai. On passait vite, mais on leur souriait, car parfois, certains semblaient reprendre vie et nous rendaient un sourire.
Des adieux avec un instant de lucidité
Avant de partir pour un voyage d’un an, j’ai visité une dernière fois ma grand-mère. J’ai traversé le long corridor pour la rejoindre. Au loin, j’ai vu dans ses yeux qu’elle m’avait reconnue, ainsi que mes filles. Des mots clairs, pourtant si simples, sont sortis de sa bouche : « comment ça va? » Je lui ai expliqué, comme lors de mes dernières visites, que je partais pour un an. Un an, c’est si vite passé, mais il y a des circonstances où l’on sait qu’un an, c’est aussi l’éternité. Elle m’a serrée fort dans ses bras. On savait toutes les deux qu’on ne se reverrait pas, qu’on ne se reverrait plus. Et puis, son regard a changé. Elle était repartie avant que je quitte les lieux. Je lui ai dit au revoir et elle a tenu ma main fermement... Une partie d’elle n’était plus là, mais une autre l’était toujours et me disait un au revoir profond : un adieu qui rend triste, mais qui libère aussi.
Une évolution loin de la logique habituelle
Ma grand-mère n’était plus que l’ombre d’elle-même. Elle qui était si active, qui courait même dans ses escaliers de maison, qui pouvait recevoir un nombre infini de convives, était dorénavant assise dans un fauteuil presque toute la journée dans un centre pour personnes âgées, sur l’étage consacré aux gens qui souffrent d’Alzheimer. Était-ce les médicaments qui l’avaient anéantie? Peut-être étaient-ils nécessaires pour faire diminuer son agressivité... On ne pourra jamais savoir, réellement.
Heureusement, ses enfants lui faisaient parfois faire des tours en fauteuil roulant plutôt rocambolesques où elle s’amusait, ses arrière-petits-enfants lui jouaient à l’occasion quelques morceaux de musique, elle se mettait alors à danser ou souriait en se perdant dans ses pensées lointaines. Mais plus les mois passaient, plus elle s’éloignait de son corps et de sa tête. Pour les proches qui se transforment en aidants naturels, ces moments sont difficiles. Ma mère avait de la difficulté à retenir ses larmes lorsque sa propre mère dansait avec une poupée, qu’elle redevenait une enfant, ce qui ne suit pas l’ordre logique de la vie, ce qui trouble chacun à sa façon. En effet, la maladie perturbe l’entourage. Imaginez l’individu qui la subit…
L’acceptation
Il faut accepter que la personne que l’on aime nous quitte alors que son corps est toujours là, l’aimer tout autant, malgré ses moments d'agressivité, ses moments d’absences. Car notre présence fait toute la différence, et on réussit alors à faire surgir un sourire si précieux. Il faut savoir capter les moments où elle réussit à traverser l’impossible barrière pour revenir près de nous, ces infimes moments de lucidité.
Ma grand-mère est décédée, quelques mois après mon départ, entourée de ses enfants, après avoir reçu la visite de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants. Ma mère conserve la certitude qu’à travers son regard, elle tentait de communiquer avec eux jusqu’à la toute fin, même si la maladie empêchait ses lèvres de prononcer des mots qui avaient du sens.
La journée mondiale de l’Alzheimer
En cette journée mondiale de l’Alzheimer, parlons de la maladie, espérons que les recherches permettront de trouver une solution, et surtout, entourons et aimons ceux qui en souffrent.
L’accompagnement de la personne malade s’avère en effet primordial, tout comme l’acceptation de la situation bien qu’elle soit difficile. Évidemment, on est humains et les émotions prennent parfois le dessus. Mais il faut faire ce qui est en notre possible pour tenter de mieux comprendre la maladie afin de ne pas juger l’autre trop rapidement, lui ouvrir ses bras et son cœur. Accepter que petit à petit, elle ne sera plus la même, mais qu’elle sera toujours là au plus profond de son cœur. C’est dans cet espace qu’il est possible de se retrouver.
Pour plus d'informations, consultez Alzheimer.ca, La société Alzheimer de Québec.