Échanger des sextos est une pratique de plus en plus répandue chez les adolescents. Toutefois, cette expérience peut avoir des conséquences sur leur santé mentale, leur estime de soi et leur anxiété.
Selon la Société canadienne de pédiatrie du Canada, les sextos désignent «l’envoi et la réception de messages sexuellement explicites ou de photos ou de vidéos d’eux nus [les adolescents, N.D.L.R.] ou semi-nus (surtout entre téléphones cellulaires, mais également entre dispositifs ou technologies de partage des médias, c’est-à-dire le courriel ou Internet).» Cette pratique est désormais largement répandue chez les ados.
Selon une enquête rapportée dans La Presse, environ quatre jeunes Canadiens sur dix ont envoyé un sexto et plus de six sur dix en ont reçu un. Parmi ceux qui en ont reçu un, 40 % ont confié qu’une de leurs photos a été partagée par la suite sans consentement.
Quand la pratique du sexto est problématique
Pour Joanie Heppell, présidente de l’Ordre professionnel des sexologues du Québec, c’est la coercition – soit les sextos non sollicités ou la pression pour en partager – qui sont les plus inquiétants. Et les plus dommageables aussi. Quand il est échangé dans une dynamique de pouvoir, les sextos peuvent provoquer de la honte et de la culpabilité ainsi qu'augmenter l’anxiété. C’est aussi dans ce contexte que l’estime de soi des jeunes peut être bafouée et même leur santé mentale en serait affectée, comme l’a révélé la revue JAMA Pediatrics. Parmi les résultats les plus significatifs de cette recherche menée au Canada, on apprend que les adolescents adeptes du sextage auraient plus tendance à adopter des comportements sexuels à risque, de laisser tomber la contraception et de souffrir d’anxiété.
Aussi, ce qui pose problème, c’est que les sextos peuvent d’abord avoir été envoyés de façon libre, mais ensuite, peuvent être utilisés à d’autres fins (intimidation, chantage, etc.). En fait, personne ne peut savoir l’utilisation ultérieure que l’autre personne fera de ces sextos. Dès qu’on partage un sexto, on ne peut pas être assuré qu’il restera dans l’ordre du privé. Tout peut devenir public en moins de quelques clics. D’où l’importance, selon Joanie Heppel, de stimuler la réflexion chez les ados pour qu’ils comprennent bien qu’un geste qui peut être très consensuel à un certain moment peut devenir coercitif par la suite.
Actions à poser comme parents
Éliminer les sextos est impossible. Les technologies et les applications se développent. Leur accessibilité est de plus en plus grande. Toutes les expériences vécues à l’adolescence touchant l’identité personnelle et le sentiment d’appartenance – tous ces essais-erreurs – ont toujours existé. Ce n’est que le contexte qui a changé. «Aussi, les parents ne peuvent pas croire qu’ils arriveront à mettre une pression sur leurs jeunes pour les empêcher de sexter. Ils doivent plutôt travailler à aiguiser la réflexion de leurs ados. Il faut les faire réfléchir à comment ils veulent être traités par les autres et comment ils traitent eux-mêmes les autres. Le dialogue entre parents et adolescents doit être ouvert. Et plus que ça encore, il doit être proactif et non réactif, c’est-à-dire qu’il faut en parler avant et non en réaction à une problématique», croit Joannie Heppel.
Les jeunes doivent comprendre le caractère précieux de leur sphère privée englobant leur vie affective, relationnelle et sexuelle. «Les ados doivent arriver à comprendre que personne ne devrait leur mettre une pression pour sexter afin de prouver leur valeur ou leur amour», insiste-t-elle. Avec eux, les parents peuvent pousser la discussion, de façon ouverte et surtout sans jugement, sur des thèmes qui auront même abordé dans le cadre des cours d’éducation à la sexualité au secondaire. Ils peuvent questionner leurs adolescents sur ce qui les pousse – ou non – à sexter, sur les bénéfices qu’ils en retirent, sur ce qu’ils pensent qui pourrait arriver s’ils le font ou non, sur les conséquences possibles de ce type de partage de contenu, etc. En stimulant ainsi la réflexion de façon libre, les parents aident leurs jeunes à développer un esprit critique et à prendre position. De plus, ils ouvrent une porte importante : si leur ado vit une situation problématique – quelqu’un repartage une photo envoyée de façon privée ou envoie un sexto sous la pression de ses pairs —, celui-ci sera plus à l’aise de revenir vers lui pour chercher de l’aide. Car dans cette situation, le jeune vit déjà assez de culpabilité, de honte et de regret qu’il n’a pas besoin de se sentir jugé, coupable ou humilié davantage avec un discours réactif qui le blâmerait encore plus. Le parent doit éviter les «Tu n’aurais pas dû…» et plutôt accompagner le jeune et soulager sa détresse psychologique. Du coup, il est important d’aviser l’école et même y chercher un support auprès de leurs professionnels. Des services comme Jeunesse J’écoute ou la Ligne Parents peuvent aussi aider les parents et les adolescents.
Pour s’informer
Parlez-leur d’amour… et de sexualité! Par Jocelyne Robert, éditions de l’Homme, 2018. ISBN : 9782761951593
Parents dans un monde d’écrans. Par Catalina Briceno et Marie-Claude Ducas, éditions de l’Homme, 2019. ISBN : 9782761950084
Jeunesse J’écoute ou 1-800-668-6868
Ligne Parents ou 1-800-361-5085
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