Même si l'accès à la contraception et l'éducation sont désormais des choses acquises, de nombreuses jeunes filles entre 15 et 19 ans tombent enceintes chaque année. Au Canada, les statistiques les plus récentes démontrent que 2,92 % des jeunes dans cette fourchette d'âge doivent faire face à une grossesse, la plupart du temps non désirée. Évidemment, ce taux fluctue selon les provinces (de 2,3 % au Nouveau-Brunswick à 14,56 % au Nunavut), mais les recherches prouvent que la moyenne n'a jamais été aussi basse depuis que l'on effectue des statistiques...
Que faire si votre propre ado entre dans ces statistiques et vous annonce qu'elle est enceinte? Comment réagir, et surtout comment la conseiller?
L'annonce
Peu importe la façon dont elle vous a mis au courant, votre fille vient de vous dire qu'elle est enceinte. Plusieurs émotions peuvent vous envahir à ce moment : déception, crainte pour l'avenir, colère (parfois même de la rage!), honte... Peut-être que vous ne saviez même pas que votre fille était sexuellement active.
Même si elle vous semble encore toute petite, force est de constater qu'elle est désormais une adulte (du moins sur le plan physique) et une mère potentielle. Par contre, soyez assurée que si votre fille s'est ouverte à vous, c'est parce qu'elle a confiance et cherche votre soutien dans cette situation difficile. Elle aurait pu tout aussi bien choisir d'avorter sans que vous n'en soyez jamais au courant.
Vous n'aviez probablement jamais imaginé vous retrouver dans cette situation et ne savez pas comment réagir. Il vous faudra donc prendre quelques jours pour digérer l'annonce, puis passer à l'action. Vos propres émotions, aussi intenses soient-elles, ne sont probablement rien à côté de celles de votre jeune fille. Celle-ci expérimente surement toute une palette de craintes et d'incertitudes, dont voici une liste non exhaustive :
- Confusion
- Peur d'être rejetée (par vous, par ses pairs, par son chum)
- Craintes pour l'avenir
- Ambiguïté dans ses émotions
- Incertitude face à ses valeurs et convictions personnelles (avorter ou pas?)
- Peur de devoir oublier ses plans et rêves de vie
- Inquiétude quant à ses capacités maternelles
- Peur de subir l'IVG
- Etc.
Agir...vite!
Passée l'annonce de la grossesse, vous aurez peut-être besoin (toutes les deux) de prendre quelques jours afin de décider de la suite des évènements. Cependant, il ne faut pas éterniser ces moments. En effet, il est nécessaire de savoir au plus vite de combien de semaines votre fille est enceinte. Si elle a hésité plusieurs mois avant de vous en parler, l'option de l'avortement n'est peut-être plus disponible et il vous faudra donc l'éliminer.
Dans la majorité des cas, heureusement, si votre fille a assez confiance en vous pour vous en parler, la grossesse ne sera qu'aux premières semaines.
Quelles sont les options disponibles?
Il n'y en a pas beaucoup... Votre fille peut envisager :
- L'avortement : disponible jusqu'à la 24e semaine (mais préférable avant 20 semaines)
- La mise en adoption de son bébé
- La parentalité. Dans ce cas, votre fille pourrait vivre seule ou avec le papa, ou élever son enfant chez vous pendant les premières années.
Même si votre fille semble avoir déjà choisi ce qu'elle fera, encouragez-la à bien évaluer ces trois options et leurs conséquences à long terme. Proposez-lui de consulter une travailleuse sociale ou une conseillère externe. Peut-être que sa décision finale ne changera pas, mais vous serez alors certaine qu'il s'agit bien d'un choix réfléchi et pas d'un coup de tête.
Comment l'aider à choisir?
Ce choix devra se faire selon vos valeurs personnelles, bien sûr, mais surtout les siennes. Vous pouvez bien sûr la conseiller et lui donner votre avis, mais n'oubliez pas qu'elle est une personne à part entière et que la décision finale lui appartient.
Si vous l'obligez à avorter ou à garder le bébé alors qu'elle envisage l'option contraire, elle pourrait par la suite vous en vouloir et avoir du ressentiment pendant de longues années.
En tant que parents, nous sommes souvent persuadés que nous savons mieux que quiconque ce qui est le mieux pour nos jeunes. Pourtant, il arrive que nous nous trompions... Votre fille a peut-être envie d'avorter afin de poursuivre ses études et avoir une carrière satisfaisante avant de retenter l'expérience de la maternité : c'est son droit, même si vous êtes un farouche défenseur des idées « pro-vie ». À l'opposé, elle peut se sentir intérieurement prête à être une bonne maman et se sait assez forte pour passer au travers de cette grossesse et retomber sur ses pieds ensuite : cela est aussi très fréquent.
N'essayez pas d'imposer votre opinion, mais soutenez-la dans les siennes, même si vous n'êtes pas en accord. Surtout, vous devez vous assurer qu'elle demeure en parfaite santé (tant physique que mentale) pendant sa grossesse ou après son avortement.
Et si c'est mon fils qui met une fille enceinte?
On a souvent tendance à oublier que l'annonce d'une grossesse non désirée est aussi un choc chez le jeune « père. » S'il arrive évidemment que le gars réfute toute responsabilité et laisse la jeune fille « dealer » toute seule avec le problème, plusieurs jeunes hommes font preuve d'une rare maturité dans cette situation et souhaitent s'impliquer au maximum dans la décision finale. Même si leur copine décide de devenir mère et qu'ils n'approuvent pas ce choix, ils se montreront attentifs et tâcheront d'être un bon père, selon leurs moyens...
Encore une fois, si votre fils a eu l'honnêteté de vous parler, c'est qu'il reconnait la valeur de votre jugement et a besoin de votre aide. Il serait peut-être bon d'organiser une rencontre avec toutes les personnes concernées par la situation (la jeune fille et ses propres parents) afin de prendre ensemble la meilleure décision qui soit pour chaque protagoniste. Il est aussi possible que la jeune mère ne trouve pas chez elle le soutien nécessaire ou qu'elle n'ose tout simplement pas aborder le sujet dans sa famille. Peut-être votre fils souhaite-t-il que vous soyez une aide pour la jeune fille, par exemple, en l'accompagnant à la clinique d'avortement si elle ne peut se résoudre à mettre ses propres parents dans la confidence.
Et après?
Une fois que la décision finale sera prise, votre devoir sera de soutenir votre jeune, quel que soit son choix. Avoir un enfant à un jeune âge changera tout dans la vie de votre ado et il ou elle aura désormais des responsabilités très importantes. Si c'est l'interruption de grossesse qui est choisie, votre fille aura probablement des sentiments ambivalents durant quelques semaines (parfois plus) après l'intervention. Et si elle choisit de continuer sa grossesse pour placer son enfant en adoption, ce sont encore des sentiments différents qui l'assailliront tout au long du processus.
Dans tous les cas, elle (il) aura besoin de se sentir aimée, respectée dans ses choix et aidée. Il est malheureusement trop fréquent que des jeunes soient ostracisés et abandonnés par leur propre famille lors d'une situation tellement difficile. Vous pouvez être profondément déçue et en colère, et ces sentiments sont souvent légitimes, mais il ne faut pas les laisser vous faire oublier une chose : votre enfant a besoin de vous et de votre amour, quelles que soient ses actions et ses erreurs.
De plus, il serait également nécessaire, une fois la crise passée, de vous assurer que des mesures adéquates seront prises à l'avenir pour éviter que la situation ne se reproduise.
Cécile Moreschi, rédactrice Canal Vie.