Depuis quelques années, on remarque que les très jeunes filles arborent un style de plus en plus sexy, certaines étant même encouragées par leurs parents. Dans les faits, ce phénomène choque beaucoup d'adultes (parents, professeurs, psychologues, etc.), mais cela ne semble pas pour autant régler le problème...
Qu'est-ce qui incite cette mode de l'enfant-femme? Qui sont les jeunes filles susceptibles de s'identifier à ce phénomène? Et surtout, quelles sont les conséquences de cette mode, tant pour les jeunes filles que pour notre société en général ?
Qu'est-ce qu'une Lolita?
L'historique
L'expression existe depuis de nombreuses années et fait référence à l'héroïne d'un roman de Nabokov (publié en 1955), une jeune fille de 12 ans dont un homme d'une quarantaine d'années (son beau-père) tombe amoureux fou. Le thème de la femme-enfant hyper sexy a été repris à de nombreuses reprises dans le monde artistique (musique, cinéma, peinture, photographie, etc.) et, pour autant controversé qu'il le soit, il appartenait cependant au domaine du fantasme et de l'interdit.
La Lolita moderne
Depuis une quinzaine d'années, on assiste à une universalisation du phénomène : les jeunes filles sont de plus en plus sexy, de plus en plus jeunes. Un rapport sur le sujet a été rédigé il y a quelques mois (mars 2012) par la sénatrice Chantal Jouanno et définit l'hyper sexualisation des jeunes filles comme la « sexualisation de leurs expressions, postures ou codes vestimentaires, jugées trop précoces pour leur âge. »
Les jeunes « Lolita » sont donc des fillettes de 7 à 12 ans qui cherchent à ressembler à des femmes formées et matures, à séduire et attirer le regard. Il est cependant primordial de noter que l'immense majorité de ces jeunes filles souhaite « ressembler » aux modèles féminins présentés dans les magazines et à la télévision (mannequins, actrices, chanteuses) sans pour autant expérimenter la séduction à proprement parler. Ces jeunes (et le plus souvent avec l'encouragement de leurs parents) offrent donc une image qui ne correspond pas à leur maturité physique et émotionnelle, parce qu'elles pensent qu'une femme se définit uniquement par cette apparence proposée dans les médias.
Les origines du phénomène
De nombreux chercheurs (sociologues, sexologues, psychologues, etc.) ont essayé de définir les raisons qui, dans nos sociétés occidentales, ont mené à cette hyper sexualisation de jeunes filles. Plusieurs thèmes reviennent fréquemment dans les comptes-rendus et articles académiques :
L'image de la femme renvoyée par les médias
Après la libération sexuelle des années 70, les femmes font timidement leur apparition en tant que modèle sexué dans tous les médias. Évidemment, les icônes de beauté et de sensualité existaient avant (pensons à Marilyn Monroe), mais elles restaient justement des icônes, des rêves, des fantasmes. Dès le début des années 80, on assiste à une représentation de la femme de plus en plus « sexy » :
- Les vêtements se font de plus en plus courts, de plus en plus rares.
- Les modèles sont de plus en plus jeunes : on prône la « perfection » de la femme-enfant quasi androgyne sur tous les podiums.
- La sexualité est présente partout : on estime qu'il y a environ 14 000 allusions sexuelles par an sur une chaine de télévision!
- Les chanteuses-actrices qui visent un public de jeunes sont elles aussi de plus en plus « sexy », tout comme les messages qu'elles proposent (pensons à Britney Spears, Miley Cyrus, etc.)
Les modes vestimentaires et le marketing
Les vêtements, accessoires et autres articles de mode sont désormais destinés aux jeunes filles de tout âge. Les grandes compagnies, sachant que la clientèle est là, créent des collections pour ces très jeunes filles :
- Maquillage et autres produits cosmétiques (parfums, etc.)
- Lingerie « adulte » : strings, soutien-gorge rembourré.
- Pantalons « qui font de jolies fesses. »
- Souliers à talons.
- Chandails et t-shirts qui arborent des imprimés et des messages tendancieux.
La recrudescence de la pornographie
D'après M. Richard Poulin, professeur de sociologie à l'Université d'Ottawa, les normes corporelles qui dominent les médias depuis les années 90 proviennent de l'industrie pornographique, laquelle est florissante et de plus en plus accessible avec l'Internet. Il affirme que les désirs, les fantasmes et les pratiques sexuelles sont de plus en plus influencés par la production pornographique. Ainsi, le mythe de la femme à peine nubile et infantilisée hante l'imaginaire collectif. On ne se choque plus, comme on l'aurait fait il y 30 ans, de voir une très jeune adolescente poser de façon lascive ou exposer ses « atouts. »
Certaines « modes évènementielles »
Les concours de mini-miss, les cours de danse « sexy » (baladi, pole-dancing, hip-hop, etc.) ne sont pas désormais destinés qu'aux adultes : les très jeunes filles sont ainsi encouragées à être de plus en plus conscientes de leurs corps et leur pouvoir de séduction.
Les conséquences pour les jeunes filles
Lorsque des jeunes « brûlent les étapes » et tâchent de devenir adultes (et sexy) avant l'âge, cela ne peut pas se faire sans dégâts... Voici quelques-uns des « problèmes » mentionnés par les chercheurs :
- Les jeunes qui ne se reconnaissent pas dans les critères de beauté peuvent développer des problèmes de faible estime de soi, pouvant aller jusqu'à la dépression et parfois même au suicide.
- L'envie de ressembler aux modèles peut également engendrer des comportements à risque et des troubles alimentaires (37 % des fillettes de 11 ans avouent « être à la diète »!)
- L'hyper sexualisation projetée peut évidemment amener les jeunes à expérimenter leur sexualité « avant l'âge », c'est-à-dire avant d'y être mentalement et émotionnellement prête. Outre les problèmes psychologiques que cela peut entrainer, les jeunes s'exposent évidemment à des ITS et grossesses non désirées.
- Sans vouloir insinuer que tous les hommes sont « pervers », on ne peut nier que ceux-ci sont parfois troublés par le message envoyé par ces femme-enfants... Et les pédophiles existent, malheureusement!
- Des jeunes qui pourraient être brillantes sous tous les aspects se contentent parfois de n'accorder de l'importance qu'à leur apparence et négligent le reste de leur personnalité, pensant qu'il suffit d'être belle et attirante pour réussir dans la vie.
Quelles solutions?
En tant que parents, professeurs et accompagnants, il est de notre devoir de réduire l'ampleur de ce phénomène qui n'est pas sans danger pour nos jeunes filles, et par là même pour nos sociétés au complet. Plusieurs mesures ont été proposées afin de contrer cette dérangeante hyper sexualisation des jeunes filles :
- Une réglementation sévère de la publicité et des médias : il est primordial que des comités d'éthique observent et approuvent avant publication les images de jeunes filles proposées dans les magazines, les émissions pour jeunes, les annonces publicitaires, etc.
- Le retour systématique aux uniformes (ou codes vestimentaires) dans les écoles primaires et secondaires.
- L'interdiction pour des jeunes de moins de 16 ans de devenir « les égéries » de marques de vêtements, cosmétiques, etc.
- La sensibilisation dans les écoles et les groupes jeunesse.
- Le dialogue personne à personne avec les jeunes filles qui nous entourent : leur faire comprendre ce qui est adapté ou non à leur âge, les encourager à développer tous leurs talents et pas seulement leur apparence physique.
Nous entendons fréquemment parler de liberté d'expression, évolution des moeurs, liberté sexuelle... Mais nous oublions souvent que ces valeurs durement réclamées (et gagnées) par nos mères et grand-mères sont à nouveau bafouées par les comportements de ces très jeunes filles. Se présenter uniquement comme un objet sexuel n'est pas une preuve de liberté, mais plutôt « d'esclavage » envers des fantasmes, des désirs tout masculins.
Bien sûr, ces jeunes ne sont pas responsables des images que les adultes leur envoient et elles ne comprennent pas, le plus souvent, que leur propre comportement puisse être une source de problème. C'est pourquoi nous sommes responsables de les éduquer et les orienter vers une perception saine de leur corps et du monde qui les entoure, appropriée à leur âge.
Cécile Moreschi, rédactrice Canal Vie