L'idée d'offrir un foyer stable à un jeune en difficulté vous trotte dans la tête, mais vous n'osez pas entreprendre les démarches qui vous permettront de devenir une famille d'accueil accréditée. Quelles sont les conditions d'admissibilité? Les exigences? Les étapes à franchir?
Un dossier irréprochable
Dans un premier temps, il faut montrer patte blanche. « Vous ne devez pas avoir de condamnation criminelle, indique Anne-Marie Fournier, chef de service, secteur ressources, au Centre jeunesse de Montréal. Nous n'acceptons pas des familles dont un adulte a été condamné pour conduite avec les facultés affaiblies, pour fraude ou pour introduction par effraction, par exemple. Nous voulons transmettre de belles valeurs aux jeunes. »
Évidemment, les personnes condamnées pour des crimes à caractère sexuel sont exclues d'emblée. Toutefois, si vous avez été trouvé coupable d'une offense criminelle voilà une quinzaine d'années et que vous avez obtenu votre pardon, vous pourriez répondre à ce premier critère.
L'âge
L'âge est aussi une condition d'admissibilité. « En principe, les candidats doivent avoir plus de 25 ans et moins de 55, poursuit madame Fournier. Dans certains cas, nous acceptons des gens plus jeunes, extrêmement matures, ou des plus âgés, pour certains mandats. »
Évaluer la famille
Une fois ces deux premières conditions remplies, la famille doit se soumettre à une série de rencontres d'évaluation, d'une durée totale de cinq ou six heures. L'intervenant du Centre jeunesse évaluera vos disponibilités et vos motivations. Puis, il examinera vos compétences parentales, votre capacité à créer des liens et à travailler en étroite collaboration avec les éducateurs et/ou les travailleurs sociaux responsables des enfants qui vous seront éventuellement confiés.
Tout est scruté à la loupe. « Nous évaluons la personnalité des postulants, les valeurs transmises par le milieu familial, la dimension conjugale, le degré d'implication des enfants, ajoute la chef de service. Les informations sont transmises à un comité d'évaluation qui rejettera, ou acceptera la candidature. Si vous êtes sélectionnés, vous obtiendrez un premier placement. »
Et les sous?
Il n'est pas nécessaire de rouler sur l'or pour devenir famille d'accueil, mais il faut bien gérer ses avoirs... et avoir l'espace adéquat pour accueillir l'enfant ou l'adolescent.
Lorsqu'un Centre jeunesse confie un jeune à une famille d'accueil, il verse une compensation quotidienne qui varie selon les besoins de l'enfants. Ces sommes, non imposables, aident à défrayer les coûts d'hébergement. L'enfant reçoit cinq (5) $ par jour pour ses dépenses personnelles. L'État verse aussi des montants additionnels s'il nécessite une plus grande attention.
Une expérience enrichissante
Ce n'est pas une mince tâche d'accueillir un jeune en difficulté dans une cellule familiale déjà formée. Il arrive parfois que les enfants de la maison d'accueil rejettent le nouveau venu, ou que ce dernier ne réussisse pas à s'adapter. « J'ai beaucoup d'admiration pour ces familles, lance Anne-Marie Fournier qui, pourtant, en a vu défiler des couples ou des familles monoparentales qui souhaitaient devenir famille d'accueil. Ces gens travaillent dans l'ombre pour remettre un enfant sur pied. En plus de ne pas connaître tous les détails du passé de l'enfant confié à leurs soins, ils sont tenus à la plus stricte confidentialité en ce qui a trait aux détails de sa vie. »
Devenir famille d'accueil demeure une expérience enrichissante. Difficile d'oublier ce jeune garçon hyperactif qui aimait s'amuser sur la plage. Difficile aussi d'oublier cette adolescente en fugue qui débarque chez vous en fin de journée alors que la maison de ses parents est visible de la fenêtre de sa chambre. Mais encore plus difficile d'oublier ce bébé de sept mois, malade, qui avait de la difficulté à respirer dès que le soleil faisait place à la nuit. Il faut du courage, de l'amour, de la patience et des nerfs solides pour aider ces jeunes en difficulté. Certains ont connu l'abandon, la négligence. D'autres ont subi de la violence physique ou sexuelle.
L'attachement
Mais le plus difficile, croyez-moi, est de faire le deuil d'un enfant qui vous a été confié, ne serait-ce que quelques jours. Pourtant, c'est une réalité avec laquelle il faut composer. Dans le système actuel, la Direction de la protection de la jeunesse mise sur le maintien, autant que faire se peut, du jeune dans son milieu naturel (sa famille).
Vous avez aimé cet enfant, l'avez protégé, l'avez aidé à grandir dans un milieu plus stable, mais vous devrez lui remettre TOUTES les photos sur lesquelles il apparaît. « Ces photos lui appartiennent, explique Mme Fournier. Nous comprenons très bien l'attachement qui unit la famille au jeune, mais il a droit à sa vie privée, » compte tenu de l'exigence de confidentialité.
Des histoires touchantes
Pourtant, les belles histoires sont légion. Mme Fournier cite cette jeune femme qui, après avoir vécu en famille d'accueil jusqu'à sa majorité, a entrepris les démarches nécessaires pour accueillir des enfants. Je pense aussi à cette famille montréalaise qui, chaque Noël, accueille ses « anciennes ». Enfin, certaines familles gardent chez elles des jeunes qui ont choisi de poursuivre leurs études. Elles assument les frais de subsistance quotidiens du jeune adulte, sans recevoir de compensation.
« Nous sommes toujours à la recherche de ces familles, extraordinaires, qui veulent accueillir des jeunes et leur prodiguer tous les soins et l'affection dont ils ont besoin, conclut Anne-Marie Fournier. Pour une famille d'accueil qui fait la manchette (abus, mauvais traitements), il y en a 400 qui réussissent leur mission avec brio. »
Ça vous tente? Contactez le Centre jeunesse de votre région.
Henri Michaud, rédacteur Canal Vie