Depuis toujours, les penseurs s'intéressent au sens moral et à la bonté des êtres humains. Des études récentes, effectuées chez des bébés par des psychologues, des spécialistes du cerveau et des pédiatres ont tenté de déterminer si nous sommes génétiquement enclins à être gentils... ou méchants!
La bonté humaine, mythe ou réalité?
La plupart des sociétés humaines croient que les enfants viennent au monde comme de petits « animaux » qui ne savent pas distinguer le bien du mal et qui apprennent la justice et les bons comportements (ou les mauvaises actions) en imitant leurs proches.
Même si certains penseurs ont déjà avancé l'idée contraire, les plus grands philosophes et les premiers psychanalystes étaient convaincus que les êtres humains étaient foncièrement mauvais, agressifs, égoïstes, malveillants et violents...
Pourtant, au cours de la dernière décennie, plusieurs chercheurs ont concentré leurs études sur le développement de la moralité chez les très jeunes enfants. Ce domaine de recherche est devenu l'un des plus populaires dans les départements de pédopsychologie des grandes universités. Les chercheurs ont mis au point différents tests afin de découvrir ce qui se passe dans la tête de nos tout-petits. Et les résultats sont surprenants.
Quelques expériences originales
Afin de déterminer ce qui se passe dans la tête d'un très jeune enfant qui ne sait pas encore parler, les chercheurs doivent faire preuve d'une grande créativité afin d'analyser leur gestuelle, leurs regards et leurs expressions faciales. Ils ont donc inventé plusieurs séries de tests-jeux qui sont adaptés à l'âge des sujets étudiés. Des bébés aussi jeunes que 3 mois ont été « testés. » Lorsqu'ils grandissent et deviennent capables de s'exprimer verbalement, les tests évoluent et s'adaptent. Ils prennent parfois la forme d'un petit spectacle, d'une situation spécifique ou d'un jeu entre plusieurs jeunes
Par exemple, dans le documentaire « Innée, la bonté? » , diffusé sur Canal Vie, on propose à de très jeunes enfants de regarder un court spectacle dans lequel deux oursons en peluche identifiés par la couleur de leur chandail agissent différemment avec un petit pingouin. Les « acteurs » jouent à la balle, mais l'un des oursons ne veut pas partager et s'enfuit avec le ballon. Ensuite, la chercheuse présente les deux oursons aux bébés et ceux-ci choisissent systématiquement le « gentil », c'est-à-dire celui qui partage.
Apparemment, tous les enfants ayant participé à cette étude (et à plusieurs autres) sont attirés vers les « gentils » et ne veulent pas même regarder les « méchants. » Cette expérience semble prouver que les enfants, quels que soient leurs âges, sont instinctivement attirés vers la justice, la bonté. Leur sens moral est déjà développé et ils sont capables d'observer les comportements des gens qui les entourent, d'exprimer leurs préférences envers les individus qui aident leurs semblables.
Lorsque les enfants sont un peu plus âgés et que les études portent sur leurs propres actions devant une situation donnée, ils décident toujours d'aider les personnes qui semblent avoir besoin d'eux... Et lorsqu'on essaie de savoir qui ils choisiront d'aider dans un cas spécifique, les enfants se tournent sans hésiter vers une personne « gentille. » Ils arrivent à deviner les intentions de leurs interlocuteurs.
Un gène de la gentillesse?
Dans le documentaire, certains universitaires sont allés encore plus loin dans leurs recherches et ont souhaité analyser les comportements des singes lorsque leur altruisme est mis à l'épreuve. Selon eux, ces animaux étant ceux dont le bagage génétique se rapproche le plus de celui des êtres humains, si leur comportement se rapproche du nôtre, cela voudrait dire qu'il existe, dans une certaine mesure, une prédisposition humaine à la gentillesse et à l'altruisme envers ses semblables. Effectivement, les chimpanzés étudiés semblent eux-mêmes enclins à la gentillesse lorsqu'ils voient qu'ils peuvent aider efficacement un individu.
Toutefois, certains scientifiques nient la validité de cette hypothèse en rappelant la « violence » souvent liée à l'instinct de survie chez certains primates... Selon eux, les singes (et les humains) seraient ainsi instinctivement gentils, mais seulement lorsque cela ne leur nuit pas à court terme!
L'importance de l'appartenance à un groupe
Un autre aspect important des études sur la bonté humaine concerne la notion d'appartenance au groupe. Les chercheurs ont remarqué que les enfants sont toujours attirés vers les individus qui leur ressemblent, qui portent les mêmes vêtements ou aiment la même nourriture.
Déjà, à un très jeune âge, il est possible d'observer chez les enfants une certaine perception du « bien » ou du « mal », selon les habitudes culturelles qui prévalent dans leur entourage. Ainsi, certains mensonges sont acceptés dans notre société occidentale, particulièrement lorsqu'il faut être poli et ne pas blesser les autres. Les enfants très jeunes (3-4 ans) sont capables d'assimiler cette notion et dans ce cas un mensonge ne leur semble pas négatif... alors que le fait de mentir dans une autre situation n'est pas « bien. »
Ainsi, lorsque les tests et les jeux proposés montrent des individus qui ne respectent pas les membres de leur propre groupe, les enfants deviennent déstabilisés et leurs réactions faciales et gestuelles montrent qu'ils ne comprennent pas ce qui se passe!
Alors, d'où viennent les « méchants »?
Malheureusement, c'est la grande question à laquelle aucune étude scientifique n'est parvenue à répondre. Avec les moyens dont nous disposons aujourd'hui, il est évidemment possible de déterminer certains aspects très positifs du comportement humain, mais alors comment expliquer les dérives, la violence, les guerres, la torture et tous ces actes perpétrés par des humains, dont bien peu d'entre nous sont fiers?
Selon Jacques Lecomte, docteur en psychologie, il y a bien plus d'un seul facteur qui entre en ligne de compte. Lui-même adepte de cette théorie de la bonté innée, il affirme pourtant que celle-ci n'est pas toujours décisive, car elle doit accompagnée d'autres agents : une éducation adéquate et des traits de personnalité favorables, entre autres...
Pourtant, si les bébés sont systématiquement altruistes et que leurs caractères changent avec l'âge, il est peut-être bon de se questionner quant à l'image que nous, les adultes, leur renvoyons. Serait-il possible de faire mieux, de leur apprendre à vivre dans un monde où les différences seraient un enrichissement réciproque et pas juste une utopie?
Pour en savoir plus sur ce passionnant sujet, ne manquez pas le documentaire « Innée, la bonté? », diffusé le 24 avril 2013 à 21 h sur les ondes de Canal Vie.
Cécile Moreschi, rédactrice Canal Vie