
En tant que mères, nous ne souhaitons que le meilleur pour nos enfants, et nous souhaitons aussi souvent qu'ils soient les meilleurs, qu'ils réussissent à se tailler une place dans cette société intraitable qui est la nôtre. Pour cela, il arrive que certaines d'entre nous deviennent trop exigeantes et créent une anxiété de performance chez nos enfants. Quels sont les gestes et les actions qui sont néfastes pour nos jeunes? Et surtout, comment arranger les choses si l'on se rend compte que nos enfants sont trop stressés?
Pourquoi sommes-nous trop exigeantes?
Chaque maman est différente, et il existe plusieurs raisons qui nous poussent à devenir intraitables dans la pratique d'une activité spécifique. De plus, nous ne sommes jamais totalement conscientes de ces raisons, mais elles sont toujours sous-jacentes, à un niveau plus ou moins élevé, et parfois même combinées. Voici quelques-unes des plus courantes :
- J'ai moi-même été championne junior/senior de patinage, danse ou autre, et je souhaite que mon enfant poursuive la tradition.
- J'ai toujours rêvé de faire un sport ou une activité à un haut niveau et reporte mon rêve sur mon enfant.
- Je pense que mon enfant est vraiment doué et je souhaite que tout le monde s'en rende compte.
- Si mon enfant choisit une activité, quelle qu'elle soit, il doit s'y impliquer totalement pour être le meilleur.
- J'aurais aimé que mes propres parents me poussent dans une activité spécifique lorsque j'étais enfant.
Un processus progressif
Le plus souvent, nous ne nous rendons pas compte tout de suite que nous attendons trop de nos enfants, que nous leur demandons trop d'efforts. Les choses se font progressivement. Nous inscrivons notre jeune à une activité spécifique (parfois à sa demande), et avec le temps, nous nous rendons compte qu'il ou elle a un certain talent pour la danse, le hockey, le piano ou le soccer. Son entraîneur/professeur nous encourage à le faire participer à des compétitions, des concours, des camps de perfectionnement, des entrainements de plus en plus fréquents... Avant qu'on s'en rende compte, il n'a plus une minute pour lui et est épuisé, tant mentalement que physiquement.
La participation assidue et les entraînements deviennent une partie intégrante de la vie quotidienne, au même titre que l'école ou le brossage des dents. Comme nous ne pouvons pas envisager que Junior ne fasse pas ses devoirs ou ne se brosse pas les dents, nous en venons à penser que c'est notre devoir de le pousser au maximum lors des entrainements sportifs ou de sa pratique du violon, par exemple.
Les effets néfastes sur les enfants
Peur de décevoir
Les gestes, les actions et les commentaires négatifs peuvent tous créer des blessures invisibles sur nos enfants. Lorsque nous les comparons aux autres, lorsque nous sommes déçus s'ils ne remportent pas la première place, ils le sentent et sont eux-mêmes tristes. Parfois en ces occasions, nous voyons leurs larmes et celles-ci nous réconfortent dans nos actions : « il ou elle tenait tout comme moi à gagner cette médaille ou ce certificat d'excellence. Je vais le pousser encore plus fort pour qu'il ou elle y parvienne la prochaine fois! » Pourtant, les larmes reflétaient peut-être simplement le fait de vous avoir déçue...
Burn-out
Nous avons parfois tendance à penser que les dépressions et les burn-out ne surviennent que chez des adultes, mais ce n'est pas le cas. Si un enfant est profondément malheureux, s'il n'aime pas ce qu'il fait et s'il semble n'avoir plus aucun temps libre pour des activités qu'il a lui-même choisies, il peut évidemment faire face à de grandes périodes de vide et de tristesse psychologique, même s'il n'en parle pas.
Anxiété
Parfois, l'enfant ne dit rien, fait de son mieux sans se plaindre, mais il devient stressé, anxieux, inquiet et émotionnellement instable... Ces sentiments négatifs peuvent le suivre jusqu'à l'âge adulte et créer un réel handicap dans sa vie future et son interaction avec ceux qui l'entourent.
Admettre qu'il y a un problème
Avant de chercher les raisons qui nous poussent à être intransigeantes avec nos chérubins, encore faut-il admettre que nous le sommes... Beaucoup parmi nous ne se rendent même pas compte que l'environnement dans lequel nous évoluons et faisons évoluer nos jeunes n'est pas le meilleur qui soit.
Nous croyons, à tort, qu'une vraie bonne maman doit se démener de l'aube à la nuit : préparer le déjeuner, amener les enfants à l'école, puis aux activités parascolaires, revenir et superviser les devoirs. Nous avons aussi tendance à nous comparer trop souvent avec les autres mères autour de nous. Si la plupart des enfants que nous connaissons sont enrôlés dès leur plus jeune âge dans 4-5 activités sportives ou culturelles (musique, langues étrangères, etc.), nous supposons d'office que nos propres enfants devraient faire la même chose.
Et pourtant... Tous les psychologues et intervenants spécialisés de l'enfance affirment que les jeunes ont avant tout besoin de jouer! Tout simplement... Cela dit, ce n'est pas pour autant qu'il faille empêcher nos enfants de participer à des activités qui leur plaisent, mais la clé du succès réside dans l'équilibre. Évidemment ici, nous parlons du succès personnel et pas de la place qu'on occupe sur un podium. Il convient de s'interroger sur ce que nous souhaitons faire de nos enfants : des adultes équilibrés et bien dans leur peau, ou des personnes constamment stressées. Il ne faut pas oublier que les mécanismes psychologiques qui sont mis en place durant l'enfance persisteront souvent pour le reste de la vie...
Petit questionnaire d'auto-évaluation
Voici quelques comportements que l'on observe parfois chez les jeunes ou chez nous-mêmes, et qui devraient vous mettre la puce à l'oreille. Peut-être notre enfant ne tient-il pas tant que cela à être un champion...
- Mon enfant a-t-il souvent des symptômes physiques fréquents avant un entrainement/ une compétition : maux de tête ou d'estomac, vomissement?
- Semble-t-il toujours fatigué, agité?
- Est-il souvent triste, déprimé?
- Il ne veut pas parler de ce qui le dérange.
- Il ne veut plus aller aux entrainements, trouve des excuses.
- Ses résultats scolaires sont en baisse.
- Nos uniques sujets de conversation portent autour de son activité ou de l'école.
- Je suis plus stressée que lui avant une compétition.
- Je ne supporte pas qu'un autre concurrent soit meilleur que mon enfant. Cela me rend agressive et méchante.
- Lorsque je parle de mon enfant à mes proches, je mentionne toujours ses résultats et ses talents.
- Je suis généralement trop perfectionniste (dans tout ce que je fais).
Comment rééquilibrer les choses?
Encourager sans pousser
Bien sûr, il est normal d'encourager nos enfants dans ce qu'ils font, de ne pas les laisser abandonner au premier échec et de les motiver à continuer lorsqu'ils semblent avoir du talent dans une activité particulière.
Le problème n'est pas tant dans le fait de les pousser, mais plutôt dans la manière dont nous nous y prenons pour les pousser. Si nous les rabaissons lorsqu'ils échouent, si nous leur passons des commentaires négatifs ou les comparons sans cesse aux autres, nos jeunes en viendront à penser que l'unique importance qu'ils ont à nos yeux réside dans la place qu'ils obtiennent dans le classement final. Même si ce n'est pas réellement le cas, l'enfant ne voit pas la différence et devient hyper stressé parce qu'il souhaitera toujours satisfaire sa mère. Il veut que l'on soit fier de lui.
Se remettre en question
Il est absolument nécessaire d'effectuer un retour sur soi-même et sur les raisons qui nous poussent à être si exigeante. Parfois, en recherchant nos motivations profondes, nous nous rendons compte d'où vient le problème et sommes plus aptes à effectuer des changements durables dans notre attitude.
Prendre le temps de discuter avec nos enfants
C'est quand la dernière fois que nous avons parlé avec nos enfants? Autrement que pour dire « Dépêche-toi, on est en retard », « Termine ton déjeuner » ou « T'as encore égaré ton kimono? » Il faut créer dans nos familles un sentiment de confiance pour que nos jeunes se sentent à l'aise d'exprimer leurs émotions sans se sentir juger.
Abandonner
Voilà, c'est dit! Aussi inconcevable que cela puisse sembler à certaines personnes, c'est parfois l'unique moyen de rétablir l'équilibre dans la petite tête de votre enfant. Demandez-lui ce qu'il veut faire. Parfois, il aime vraiment le soccer ou le hockey, mais ne veut plus faire de compétitions. C'est vrai que notre devoir de parents consiste à diriger nos jeunes dans ce qui est mieux pour eux, mais devenir le prochain grand champion du Canadien ou remporter une médaille d'or aux J.O. de 2020 ne vaut assurément pas la peine de faire de lui un enfant déprimé, instable et au bout du rouleau. Pensez que votre rêve n'est peut-être pas le sien...
Cécile Moreschi, rédactrice Canal Vie