Nous vivons tous de la colère à un moment ou un autre de notre vie. Certaines sont plus ravageuses, plus fréquentes que d'autres. Il y a des colères froides, des colères impuslives, mais dans tous les cas, est-il mieux d'exprimer sa colère, de la gérer ou de la transformer? Et qu'est-ce que la colère au juste? D'où vient-elle? Nous avons demandé à Camillo Zacchia, psychologue, de nous éclairer à ce propos.
Qu'est-ce que la colère, au juste?
La colère est une émotion dont nous avons tous besoin, c'est une émotion naturelle et normale. Pourquoi est-on en colère? C'est pour se défendre contre quelque chose qui ne fonctionne pas, c'est quand il faut prendre action. La colère nous donne l'énergie pour réagir et se protéger. Les réactions colériques ne sont donc pas toutes mauvaises; elles dépendent des circonstances, de l'intensité et de la fréquence.
Qu'est-ce qui cause la colère?
Des attentes non comblées
La colère peut être normale dans certaines circonstances. Par exemple, si j'ai une attente qui n'est pas comblée, je vais être fâchée. Si le garagiste me dit que mon auto sera prête à midi et que j'arrive et que le travail n'est même pas commencé, je vais être fâché et c'est normal. Donc, première raison de ressentir de la colère : lorsque mes attentes ne sont pas comblées. Il faut alors se poser une première question : est-ce que mes attentes sont réalistes, est-ce que je connais bien mes attentes.
Un sentiment d'injustice
Une deuxième raison de ressentir de la colère c'est lorsque je sens qu'il y a une injustice, que je suis maltraité. Si quelqu'un me coupe dans une file d'attente, je vais être fâché et c'est normal, parce que je perçois que c'est injuste. Des fois, je suis dans des situations qui sont imprécises, pas claires. Par exemple, si j'ai l'impression que quelqu'un passe devant moi, mais que je n'ai pas réalisé que c'est une deuxième visite pour cette personne, qu'elle doit rapporter un papier au médecin, etc. Dans ce cas-là, il n'y a pas d'injustice. Donc il est important de voir si nos perceptions sont réelles.
Une situation insatisfaisante
Une troisième raison d'éprouver de la colère, c'est lorsque les gens se retrouvent dans des situations très insatisfaisantes : je ne suis pas assez payé au travail, j'ai trop de responsabilités, mon conjoint ou ma conjointe boit, par exemple. Face à de telles situations, nous avons trois choix :
- changer la situation
- vivre avec la situation
- partir
Parfois les gens sont incapables de trouver une solution dans ces trois options-là. Par exemple, si je n'aime pas mon salaire, je peux aller demander une augmentation. Si je l'obtiens, alors tout est beau. Si c'est refusé, je reste par conséquent dans la situation insatisfaisante.
Il faut ensuite se demander si on peut vivre avec, et dans ce cas-là, il faut peut-être se dire : même si je ne suis pas satisfait du salaire, il est vrai que j'aime mon travail et mes collègues, je n'ai pas trop de responsabilités et je suis à cinq minutes de chez moi.
Si on juge qu'on est somme toute satisfait du reste de notre situation, il faut accepter que c'est comme ça et c'est tout. Il faut arrêter de lutter contre tout. Et si je trouve malgré tout que le salaire n'est pas suffisant et je n'arrive pas à payer mes dépenses, que les conditions de travail ne sont pas plaisantes, et que j'en fais trop, alors il faudra penser à changer d'emploi.
Avez-vous quelques trucs pour gérer la colère?
Attendre et évaluer
D'abord, il faut attendre et évaluer. Lorsqu'on est rationnel, on peut mieux évaluer ce qui se passe. Lorsqu'on a évalué et qu'on trouve qu'il y a toujours un problème, il faut ensuite l'exprimer. Si on l'exprime avec colère, oui ça peut passer un message, mais la personne qui le reçoit peut ensuite se mettre sur la défensive et contre-attaquer, et ça ne sert à rien.
Il est donc plus avantageux de trouver un bon moment pour exprimer notre mécontentement, lorsque la colère est passée. Il ne faut toutefois pas l'oublier. En effet, il faut s'assurer de discuter du problème lorsqu'on est capable de s'exprimer d'une façon calme et claire.
Analyser et comprendre nos perceptions
Par contre, si on est très souvent en colère, il y a peut-être quelque chose qui ne va pas. Si, par exemple, je me fâche plus souvent qu'une autre personne, cela veut dire que je ne vois pas le monde de la même façon que cette autre personne. Et pourtant, nous vivons dans le même monde. On rencontre tous un jour quelqu'un qui est toujours fâché et qui ne fait confiance à personne. Pourtant, on vit dans le même monde que ces gens-là.
Il s'agit donc d'une question de perspective et d'attentes. Si quelqu'un ne nous salue pas, est-ce parce qu'il est fâché contre nous ou est-ce que simplement il est distrait? Quand on voit quelqu'un, on présume quelque chose. Les gens qui sont fréquemment en colère présupposent souvent le pire. Il faut donc observer les raisons qui ont causé notre colère en se demandant quelles étaient nos perceptions de la situation et quelles étaient nos attentes.
En thérapie, ce que l'on fait fréquemment avec les personnes qui sont trop souvent en colère c'est qu'on analyse des situations précises où la personne s'est fâchée. On regarde ce qui s'est passé avant, ce qui s'est passé dans sa tête et ce qui a causé sa colère. Le but n'est pas de supprimer la colère, mais de changer les facteurs qui ont mené à cette colère.
Comment faire face à quelqu'un qui est en colère?
Lâcher prise ou non
Parfois, on doit faire face à la colère des autres. Quelqu'un nous attaque verbalement et on essaie de répondre correctement, mais elle réagit quand même avec colère. Dans cette situation, il faut premièrement se demander s'il est vraiment important de réagir à cette colère ou si on laisse passer.
Évaluer son propre ton
Deuxièmement, on doit se questionner sur notre façon de nous exprimer. Est-ce que je m'exprime bien et clairement, sur un ton calme? Ou est-ce que j'ai attendu d'être fâché avant de m'exprimer. Parce que lorsqu'on est fâché, cela provoque souvent une réaction de contre-attaque. Je recommande donc aux gens d'attendre le bon moment, et de saisir une porte ouverte pour discuter des insatisfactions.
On n'est pas toujours coupable
Malgré tous ces efforts, on ne peut pas contrôler la réaction des autres personnes. Certaines gens sont toujours sur la défensive, peu importe notre ton et ce qu'on dit; et ça c'est très difficile à gérer. Avant tout, il faut comprendre que c'est leur réaction qui est le problème et qu'il ne faut donc pas se blâmer. Il faut aussi accepter qu'on ne puisse pas toujours changer tout le monde.
Des fois, on fait face à une réaction qui n'est pas raisonnable. Ceci étant dit, de prendre cette réaction et de contre-attaquer ne fera rien que créer une escalade dans la dispute. Dans ces moments, mieux vaux demander de reprendre la conversation plus tard, lorsqu'on pourra discuter plus calmement.
S'exprimer
D'autres fois, il faut peut-être expliquer à la personne qui ressent la colère que lorsqu'on essaie de lui parler, elle a tendance à tout prendre de façon personnelle. Il faut lui rappeler qu'on l'aime et qu'on l'apprécie, mais qu'il est essentiel de discuter de tel ou tel problème. Il faut présenter le problème comme une situation de mauvaise compréhension et non comme un problème avec la personne elle-même.