Le débat fait rage depuis des années. Les viandes bovines traitées aux hormones de croissance sont-elles dangereuses pour la santé? Certains affirment que oui, d'autres soutiennent que non. Or, en l'absence d'arguments scientifiques irréfutables, il est difficile de trancher sur la question.
Un portrait de la situation
Au Canada, l'utilisation de six hormones de croissance (l'estradiol, la progestérone, la testostérone, trois hormones naturelles; de même que le zéranole, l'acétate de trenbolone et l'acétate de mélengestrol, des produits synthétiques) est permise dans des concentrations raisonnables. Ces produits, interdits de l'autre côté de l'Atlantique, favorisent une croissance plus rapide du boeuf, de l'ordre de 5 à 15 %. De plus, la viande obtenue est plus maigre.
L'utilisation des hormones a un autre avantage : comme elle permet d'obtenir une croissance plus rapide de l'animal, elle limite les coûts de production.
Les viandes qui se retrouvent dans nos étalages sont toutefois soumises à une sévère réglementation. L'agence canadienne d'inspection des aliments effectue des analyses fréquentes sur les viandes destinées à la consommation humaine.
Mais est-ce un gage de sécurité? Les détracteurs affirment que les analyses ne sont pas assez fréquentes et que des produits qualifiés de « dangereux » se retrouvent dans les étalages.
Notez toutefois que l'utilisation d'hormones de croissance est interdite chez les éleveurs de porc et de volaille.
Pour les hormones de croissance
Selon une étude américaine, il y a 2500 fois plus d'oestrogène dans un contraceptif oral que dans une portion de boeuf. Notre propre corps produit également 15 000 fois plus d'oestrogène en une seule journée que la quantité présente dans une livre de boeuf. Cette étude est toutefois contestée.
Par ailleurs, les hormones de croissance, sous forme de capsule implantée dans l'oreille de l'animal, ne seraient présentes qu'en quantité infinitésimale dans la viande de boeuf. Des études révèlent, en effet, qu'un bovin traité aux hormones contient 1,4 monogramme d'oestrogènes par 100 grammes de viande. En comparaison, son voisin, qui n'a pas reçu d'implant, contient 1,1 monogramme. Or, un monogramme équivaut à un milliardième de gramme. Devons-nous nous en inquiéter?
La crise du boeuf
Inquiète de la présence d'hormones de croissance dans la viande bovine produite en Amérique du Nord, l'Union européenne en a interdit l'importation dès 1989. Outre les représailles économiques imposées à l'Europe, les États-Unis et le Canada ont contesté la décision.
Or, aucune étude déposée n'a prouvé, hors de tout doute, que l'humain courait un danger en consommant cette viande. Puis, en décembre 1995, une conférence regroupant 80 scientifiques a conclu « à la totale innocuité tant pour l'animal que pour l'homme des hormones naturelles (oestradiol béta 17, progestérone, testotérone) ou de synthèses (zéranol et trenbolone acétate) ».
La viande issue d'animaux traités aux hormones n'était donc pas nuisible pour la santé. Forts de cette position favorable, les États-Unis et le Canada ont porté la cause devant un tribunal international. Et ils ont eu gain de cause.
Les exportations de boeuf ont repris, mais les viandes acheminées outre-mer étaient exemptes d'hormones.
Contre les hormones de croissance
L'utilisation des hormones de croissance a aussi ses détracteurs. Et ils sont nombreux.
Enfants et femmes enceintes
La Coalition canadienne de la santé estime que la présence d'hormones constitue un risque pour la santé humaine, notamment chez les enfants et les femmes enceintes. « Nous connaissons mal les périodes critiques au développement de l'être humain, particulièrement celui des foetus et des enfants prépubères. L'utilisation d'hormones (...) ne présente aucun avantage pour le consommateur, surtout des risques ».
Puberté précoce
La Coalition établit également un lien entre la viande traitée aux hormones et le cancer, notamment en raison d'une puberté plus précoce chez les adolescentes et les adolescents. Citant le Programme national de toxicologie chez nos voisins du Sud, elle affirme que l'estrogène utilisé dans les hormones de croissance destinées aux animaux doit être déclaré « comme étant un agent cancérigène connu ».
Cancer
En fait, il semble également que l'utilisation des hormones aurait une incidence sur les cancers du sein, de la prostate et du côlon, entre autres. Prise séparément, chaque hormone a donné des résultats inquiétants lors d'expériences effectuées sur des animaux de laboratoire. Outre le développement de tumeurs, certaines hormones auraient une incidence sur le thymus qui joue un rôle essentiel dans le système immunitaire. Le zéranol provoquerait également des anomalies testiculaires.
Toute la vérité?
Certains chercheurs accusent même Santé Canada de dissimuler la vérité. « On nous dit d'approuver des choses, même sans avoir reçu les données de la compagnie (fabricant). Si nous ne recevons pas les données, alors nous ne pouvons rien faire. Mais on dit souvent que les États-Unis ont approuvé le produit donc que nous devrions l'approuver et que nous ne devrions même pas poser de question », a déjà affirmé, en 2002, Shiv Chopra, un scientifique à l'emploi de la Direction des médicaments vétérinaire au sein de l'organisme fédéral. Il fut congédié en 2004, mais il milite toujours en faveur d'une saine alimentation, sans hormones.
Au consommateur de choisir
L'incertitude scientifique liée à l'utilisation des hormones de croissance chez les producteurs bovins devrait pousser le consommateur à faire des choix éclairés.
À défaut de certitudes, il faudrait peut-être songer à consommer une viande biologique, plus onéreuse certes, mais exempte de ces produits dont les effets sur l'organisme humain sont méconnus. Bien sûr, vous devrez débourser davantage. Mais, en fin de compte, ce choix de consommation constitue, peut-être, votre plus grande sécurité. En l'absence de données concluantes, la prudence est de mise.
Henri Michaud, rédacteur Canal Vie